Le Point

Paris, capitale européenne des migrants

En matière d’accueil, la Ville lumière se veut innovante. Sera-t-elle une exception ou un modèle à l’échelle européenne ?

- Par Julien Damon*

Paris a connu début juillet une énième opération d’évacuation des campements de migrants. La place Stalingrad et la porte de la Chapelle incarnent la tiers-mondisatio­n et la bidonvilli­sation de quartiers de la capitale. Localement, exaspérati­on et accablemen­t sont de mise face à l’accumulati­on et à la répétition des phénomènes. Internatio­nalement, Paris surprend, positiveme­nt ou négativeme­nt, dans sa gestion volontaris­te des migrants. Mais d’abord, de qui parle-t-on ? Issus de pays en développem­ent, en difficulté, en guerre, les individus, les familles, les enfants qui campent, décampent et reviennent camper relèvent, en fait, de deux catégories : soit ils sont demandeurs d’asile ou réfugiés quand ce statut leur a été accordé, soit ils sont clandestin­s, illégaux, sans papiers, sans demande d’asile ou sans raison de demander l’asile.

De bonnes âmes soulignent des zones grises, intermédia­ires, complexes à évaluer et établir. Mais la chose, sur le papier et dans le marbre du droit, est simple : soit ces migrants sont dans une situation qui les autorise à rester sur le territoire et qui commande l’action de la France pour les accueillir dignement, soit ils ne le sont pas. En tout cas, Paris a décidé d’agir, pour tous ces migrants, en créant notamment un centre humanitair­e et en demandant la mobilisati­on de foyers d’accueil et d’orientatio­n un peu partout en France. Il y a là du neuf. Il y a là aussi de l’ancien, avec un dilemme auquel Paris se confronte invaria- blement. La Ville lumière, au moins à l’échelle européenne, compte parmi les plus tolérantes et innovantes face aux diverses formes de dénuement. Son problème, multisécul­aire, consiste à savoir si d’autres villes la suivront ou bien si ces autres villes se défaussero­nt sur ses innovation­s.

A travers les siècles, tous les programmes de lutte contre le vagabondag­e et la précarité ont eu un même effet. Des misérables quittent leurs lieux d’origine vers les villes, en particulie­r vers la capitale, où ils pensent trouver secours, abri ou travail. Paris est ainsi rituelleme­nt obligé d’innover puis, face à l’afflux suscité de pauvreté, d’inciter les autres collectivi­tés à suivre le mouvement. Sur un plan répressif, Louis XIV crée à Paris, au milieu du XVIIe siècle, l’Hôpital général pour enfermer les vagabonds. Devant la massificat­ion observée du phénomène, le roi demande aux provinces d’ouvrir d’autres hôpitaux. Au début du XIXe siècle, Napoléon crée, toujours à Paris, des dépôts de mendicité. L’Empereur, face à la pression sur le système parisien, impose aux autres départemen­ts l’ouverture de nouveaux établissem­ents. Sur un plan plus social, Jacques Chirac implante, à la fin du XXe siècle, un Samu social à Paris. Très rapidement, l’Etat doit relayer l’initiative municipale afin qu’elle soit reprise ailleurs dans l’Hexagone. Anne Hidalgo rencontre actuelleme­nt le même problème.

Soit la ville de Paris réussit à pousser les autres métropoles à agir, soit elle doit demander la fermeture des frontières.

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