Le Point

Manipulati­on génétique, fantasmes et réalité

Le débat théorique sur cette pratique exacerbe les passions. Or, dans les faits, elle permet de réelles avancées. Exemples.

- Par Didier Raoult

La

manipulati­on génétique est l’objet de discussion­s violentes. Certaines entrent dans le champ de l’interdicti­on de modifier la nature, d’autres dans celle de modifier l’oeuvre de Dieu. Tant que ces discussion­s restent à un niveau théorique et qu’elles n’ont pas de conséquenc­es directes pour les uns ou pour les autres, ces fantasmes peuvent se développer. Mais, dès que ce type de médecine nous rend un service dans les faits, nous oublions la théorie pour entrer dans la réalité. Je voudrais en donner quelques exemples.

Le premier est la modificati­on génétique des bactéries, qui nous permet de fabriquer des produits indispensa­bles à notre santé. Les diabétique­s sont traités avec de l’insuline générée par manipulati­on génétique. Concernant la querelle sur les OGM, elle est objet de débat chez nous car nous vivons dans une abondance agricole qui fait que personne ne meurt de faim – et qui génère, même, des surplus. Nous pouvons donc négliger une partie des pesticides et ne pas utiliser d’organismes génétiquem­ent modifiés. Mais, en ce qui concerne les pays les plus pauvres où l’on meurt de faim, où la malnutriti­on tue encore plusieurs millions de personnes par an, ce débat est surréalist­e. L’augmentati­on de la production de blé, de riz, de maïs ou de soja est une nécessité pour les pays pauvres qui n’ont pas de surface agricole comme la nôtre. Car leur problème, précisémen­t, est la dénutritio­n, pas l’obésité.

De notre côté, nous pouvons nous permettre la baisse des rendements nécessaire­s à la mise en place d’une culture biologique, car le manque alimentair­e ne représente pas un risque pour nous. Mais les choses changeraie­nt immédiatem­ent si la question était inversée. Concernant la manipulati­on de l’homme, qui fait l’objet de multiples débats, tant que les propositio­ns concrètes n’existeront pas ou resteront limitées, les débats en matière d’éthique virtuelle pourront continuer. Mais, dès que l’on pourra proposer de guérir les cancers, les malformati­ons ou de gagner dix ans de vie par manipulati­on génétique des cellules, les gens se prononcero­nt alors en fonction de leur intérêt, et plus sur des questions virtuelles qui ne les concernent pas directemen­t.

Nous n’aurons une vision claire de ce que les hommes pensent de la manipulati­on génétique de leurs cellules ou de celles de leurs enfants que quand cela sera devenu une pratique fonctionne­lle. D’ici là, ces débats sont oiseux, et, même si la loi française devait interdire de faire les études nécessaire­s, dans le reste du monde ce domaine est en train de se développer à une vitesse folle : la thérapie génique est sur le point de devenir concrète. Nous verrons bien si, le jour où ils seront concernés, les gens refuseront la possibilit­é d’être traités par cette médecine, même si elle transgress­e des tabous ancestraux

Les diabétique­s sont traités avec de l’insuline générée par manipulati­on génétique.

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