Arbitraire
Comment la foi en la liberté et l’égalité fut submergée par des passions bien moins admirables.
L’«L’ « Appel des dernières victimes de la Terreur à la prison Saint- Saint-LazareLazare » (1850), de CharlesLouis Müller, s’inspire de la liste des dernières condamnations parue dans
des 7 et 9 thermidor an II. La Terreur, qui s’achève avec la chute de Robespierre, a fait des milliers de morts.
François-Noël Babeuf, qui n’avait pas encore adopté le prénom de Gracchus, se trouvait à Paris lors de la prise de la Bastille. Il assista aux premières violences de la Révolution française ; il vit la foule lyncher le gouverneur de la forteresse et promener sa tête dans les rues de Paris. Il ne fut pas moins sidéré, lui, le futur prophète du communisme, que nombre de ses contemporains, tous pensant avec Talleyrand que l’on ne pouvait savoir ce qu’était la douceur de vivre si l’on n’avait pas connu la France des années 1780. La violence était là pourtant, sous la surface des moeurs policées du siècle des Lumières. Si le traumatisme fut alors profond, comme, plus tard, Au coeur de la scène, le poète André Chénier, qui tenait la Révolution pour
avant d’être lui-même guillotiné. Redécouvert au siècle suivant par Chateaubriand, il devint l’archétype du poète maudit. Antirépublicain, Charles- Charles-Louis Louis Müller représente la Révolution sous son jour le plus noir, sans se préoccuper de la réalité historique, d’où des approximations : à Paris, l’appel des condamnés se faisait à la Conciergerie, où siégeait le Tribunal révolutionnaire, les hommes et les femmes étaient séparés, etc. au moment des Journées d’octobre, qui virent une foule venue de Paris attaquer le château de Versailles et massacrer les gardes du corps du roi, c’est que la violence sous-jacente, bien présente encore dans les campagnes, n’était plus qu’un lointain souvenir pour les élites urbaines. Deux mondes coexistaient et s’ignoraient ; deux humanités, même, dira le pourtant très philanthrope Arthur Young. Un événement avant-coureur aurait dû alerter : l’émeute qui, au mois d’avril, avait visé le fabricant de papiers peints Réveillon. La troupe avait eu le plus grand mal à réprimer les troubles, et on avait relevé plusieurs dizaines de morts.
Mais la réunion des Etats généraux avait fait tout oublier. L’heure était à l’optimisme, à l’illusion d’une