Le « moi » ou la solitude universelle
Roman graphique. Ecrit par Didier Martiny, dessiné par Philippe Petit-Roulet et préfacé par Yasmina Reza, cet ouvrage est étonnant. On y suit Serge, homme solitaire, pervers narcissique, tout au long des étapes de sa vie tumultueuse… Morceaux choisis : « Traverser l’existence à deux est un leurre. » Le ressort émotionnel de cette oeuvre est en effet une introspection centrée sur les rapports entre le père vieillissant et son fils, entre le frère névrosé et la soeur tourmentée. Les dessins froids, en noir et blanc, très épurés, inspirent aux lecteur émoi et angoisse. « Lui a tout lu mais n’aime rien. » C’est la grande réussite de ce livre : un personnage d’écrivain maudit, Lotsi – ressemblant comme deux gouttes d’eau au personnage de Leopoldo dans « Les Vitelloni » –, qui permet aux auteurs de dépeindre admirablement la solitude de l’artiste et le mépris de son entourage malsain. Serge décourage son ami Lotsi, le rejette, jusqu’au jour où ce dernier reçoit le Goncourt. « Quel est l’intérêt de parler de ta mère sans parler d’Auschwitz ? C’est absurde ! » dit Serge à Lotsi. Les personnages s’aiment, se déchirent, s’humilient à coups de petites phrases assassines. Dans un monde nourri au politiquement correct, ce roman graphique prend le lecteur à contrepied
« L’ombre de moi-même », de Didier Martiny et Philippe Petit-Roulet (Cornélius, 224 p., 24,50 €).