Le Point

Si précieux seaux

La maison Okeei est la dernière à fabriquer, à Tokyo, le fameux oke dont les Japonais se servent pour leurs ablutions. Visite d’atelier.

- PAR MARINE DE LA HORIE

En poussant la porte du fabricant Okeei, dont l’atelier embaume la sciure et le santal, on découvre au fond d’une courette des milliers de tasseaux de bois, entassés en pyramides octogonale­s. Leur structure est ainsi étudiée pour ne jamais s’écrouler. Il s’agit des éléments de chaque seau – oke, en japonais – qui sèchent au soleil avant d’être assemblés par le maître artisan, Eifu Kawamata. La famille en fabrique depuis cent trente ans. Il faut compter vingt ans de pratique pour devenir un orfèvre en oke. On aurait tort de prendre les fameux oke pour de vulgaires seaux. Les Japonais utilisent quotidienn­ement ce récipient en bois et cerclé de cuivre, d’acier ou de métal argenté pour faire leurs ablutions. Les familles les plus aisées vont jusqu’à se faire réaliser une baignoire assortie. Ceux qui n’ont pas les moyens optent pour la version en plastique. Ce rituel perdure encore aujourd’hui, même dans les salles de bains les plus contempora­ines. La maison Okeei est la dernière à les fabriquer dans les règles de l’art, à Tokyo. Les restaurant­s gastronomi­ques utilisent aussi des Okeei pour y entreposer leurs mets les plus raffinés. « Cela peut prendre jusqu’à cinq ans pour faire un seau. On commence avec la préparatio­n de l’essence de bois, séparée de son écorce et dont le séchage dure un temps fou. Mais dès que toutes les pièces sont prêtes, je suis capable d’assembler un seau par jour », explique l’artisan, dont le prix des créations commence à 80 000 yens, soit 670 euros. Le bois est découpé à l’emporte-pièce puis courbé par le cintrage du métal avec un marteau. Chaque morceau est tranché dans la veine du bois pour optimiser l’ajustage et l’étanchéité. A même le sol, des outils vintage tels que des scies, couteaux à bois, machettes, maillets et différents cercles de métal. L’ébéniste utilise du bois de hinoki ou de cyprès. Certains arbres ont plus de 300 ans. « C’est robuste et ça ne se déforme pas, car plus l’arbre est âgé, plus les veines sont rapprochée­s. Le bois se patine, mais comme c’est inusable, on offre une garantie à vie ! » sourit ce quadra timide et passionné qui fait un peu figure aujourd’hui, à Tokyo, de dernier des Mohicans

 ??  ?? Eifu Kawamata représente la quatrième génération d’une famille de maîtres artisans établie à Tokyo depuis cent trente ans. De la préparatio­n du bois à l’assemblage, la confection d’un seau peut prendre cinq ans. Prix d’un modèle basique : 670 euros.
Eifu Kawamata représente la quatrième génération d’une famille de maîtres artisans établie à Tokyo depuis cent trente ans. De la préparatio­n du bois à l’assemblage, la confection d’un seau peut prendre cinq ans. Prix d’un modèle basique : 670 euros.

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