Pour en finir avec notre addiction à la dette
Lord Adair Turner, ancien président de l’autorité des marchés financiers britannique, réclame la monétisation des dettes publiques et le renforcement drastique des règles de précaution encadrant les banques.
C’était le 9 août 2007. En gelant temporairement trois de ses fonds, BNP Paribas inaugurait la crise des subprimes, ces crédits hypothécaires accordés à des ménages américains peu solvables puis disséminés à travers le monde via le système financier. Dix ans plus tard, le monde a toujours du mal à se relever. Ancien président de l’autorité des marchés financiers britannique, lord Adair Turner, qui a participé au renforcement des règles du système financier après la crise, y voit le résultat d’une addiction au crédit et à la dette. Ce membre du sérail très respecté, passé par la direction de la banque américaine Merrill Lynch de 2000 à 2006, défend aujourd’hui des positions iconoclastes pour sortir l’économie mondiale du marasme. En s’appuyant sur des économistes libéraux comme Milton Friedman ou Friedrich von Hayek… importantes de la science économique contemporaine. Une génération précédente d’économistes, y compris ceux qui sont le plus en faveur de marchés libres, dont Henry Simons et Friedrich von Hayek, avaient compris que ce sont les banques privées qui créent l’essentiel de la monnaie via la distribution de crédit, et donc l’endettement. Où vont ces crédits ? Ils ne financent pas, pour une grande part, l’investissement productif. Des économistes ont montré que la grande majorité des crédits créés par les banques dans les économies avancées se portent vers des actifs qui existent déjà, comme l’immobilier. Ce mécanisme déclenche une spirale de hausse des prix, qui alimente la distribution de crédits immobiliers et l’augmentation de la dette privée. Quand, tout d’un coup, les gens perdent confiance dans la hausse des prix, cela exerce un effet dépressif très fort sur l’économie. Ancien directeur de Merrill Lynch. Dernier livre paru : « Reprendre le contrôle de la dette » (Editions de l’Atelier).
C’est ce qui s’est passé en 2008 avec l’éclatement de la crise financière…
Les entreprises et les ménages se sont soudainement rendus compte qu’ils étaient surendettés et ont tout fait pour se désendetter : ils ont coupé leurs investissements et leur consommation. Nous sommes entrés dans un cycle de déflation par la dette. Mais, dans un tel environnement, la dette ne diminue pas, elle passe du secteur privée aux Etats, parce qu’ils se retrouvent obligés de creuser leurs déficits pour tenter de relancer l’économie. C’est, à mon sens, une des raisons principales pour laquelle la crise, depuis 2008, a été si difficile.
Comment se fait-il que l’économie ait eu besoin d’autant d’endettement pour croître ?
L’augmentation des inégalités en est une des principales raisons. Cette hypothèse est peut-être plus convaincante encore aux Etats-Unis, où elles ont augmenté dramatiquement ces quarante dernières années. Les riches ont en effet tendance à consommer une proportion moins importante de leurs revenus que les autres. Si vous donnez un bonus