Le Point

L’étrange « Renaissanc­e » d’Emmanuel Macron

- Etienne Gernelle

Mais où est-elle, cette « Renaissanc­e européenne » prônée par Emmanuel Macron ? En existe-t-il seulement des signes ? Si l’on se replonge dans l’histoire de l’époque, qui, selon Jean Delumeau, a changé le destin de l’Europe « de la Bretagne à la Moscovie », les indicateur­s sont plutôt accablants. L’architectu­re ? Jamais, nous dit Delumeau, aucune civilisati­on n’avait « lancé vers le ciel de si hautes

coupoles ». Mais, en ce début de XXIe siècle, les gratte-ciel se construise­nt surtout en Asie. L’imprimerie ? Les nouveaux Gutenberg – c’est-à-dire ceux du numérique – se trouvent plutôt en Californie, en Corée et en Chine. L’ouverture au monde ? Quelques décennies avant que Colomb, Vespucci et Magellan ne partent à la conquête du globe, le navigateur chinois – et musulman – Zheng He avait exploré les côtes africaines sur des navires par ailleurs bien plus gros et plus avancés. Jusqu’à ce que l’empire du Milieu décide de se replier sur lui-même, laissant l’Europe dominer la planète. A présent, c’est Pékin qui se déploie, par son industrie, son commerce, son cinéma et ses technologi­es. Tandis que les Européens aspirent sinon à l’isolement, du moins au répit. C’est en partie à ce besoin de « protection » que répond Macron, même s’il fait référence aux frontières continenta­les et non pas nationales.

La Renaissanc­e européenne, ces temps-ci, ressembler­ait plutôt à « L’étrange histoire de Benjamin Button », racontée par Scott Fitzgerald : un homme qui commence sa vie vieillard pour la finir nouveau-né. En somme, le sens de l’Histoire semble exactement opposé à celui observé il y a cinq siècles. D’ailleurs, le titre de la tribune de Macron contraste quelque peu avec son contenu, fait de pragmatism­e, de petits pas (il ne parle plus de budget de la zone euro), de compromis, y compris avec le Royaume-Uni, dont la sortie semble digérée. On croirait entendre Angela Merkel. Jupiter en a fini avec les envolées des discours d’Athènes et de la Sorbonne et entend organiser la consolidat­ion de l’édifice en réformant Schengen, ou encore en optant pour une « préférence

européenne » . Il ôte au passage des arguments à ses adversaire­s prompts à brandir l’argument de la passoire sur l’immigratio­n ou le commerce. Tout cela est moins exaltant – en dehors de l’innovation, qu’il souhaite dotée de moyens équivalent­s à ceux des Etats-Unis –, mais peut-être plus efficace à court terme.

Il faut se souvenir que le terme de Renaissanc­e ne fut employé pour désigner un tournant de civilisati­on que bien longtemps après. Sans doute Macron espère-t-il le phénomène inverse, et nommer la chose avant qu’elle n’existe. Sous la méthode, plus merkelienn­e, Jupiter pointe toujours

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