Le Point

Trois géants au volant du « Convoi exceptionn­el »

Ils sont réunis dans « Convoi exceptionn­el », le nouvel objet filmique non identifié du réalisateu­r des « Valseuses ».

- PROPOS RECUEILLIS PAR FLORENT BARRACO, JÉRÔME BÉGLÉ ET JEAN-LUC WACHTHAUSE­N

Bertrand Blier et Gérard Depardieu forment un vieux couple. « Convoi exceptionn­el » est leur neuvième collaborat­ion après, notamment, « Les valseuses », « Buffet froid », « Trop belle pour toi » ou « Les acteurs ». Le tandem accueille cette fois-ci en troisième comparse Christian Clavier, qui fait ses premiers pas dans le petit monde de Blier. Une affiche hors norme, trois monstres sacrés que nous avons interrogés : cinéma, (mauvais) air du temps, Michel Houellebec­q… Attention, convoi exceptionn­el ! ■

Le Point : Bertrand et Gérard, vous avez tourné « Les valseuses » il y a quarante-cinq ans. Qu’est-ce qui a changé entre vous depuis 1974 ?

Bertrand Blier : En tant que metteur en scène, j’observe des changement­s chez Gérard : il est de mieux en mieux. L’acteur que j’ai connu au début était déjà formidable mais, aujourd’hui, je le trouve meilleur. Il y a l’expérience, bien sûr, mais aussi la vie qui est passée. C’est comme les vagues sur la plage : il reste un roc. Il est très impression­nant. Sur le spectacle de Barbara, son travail dépassait celui d’un acteur : c’était magique. Et les gens ne s’y trompent pas, ils étaient tous en larmes. Gérard est un très grand monsieur.

Gérard Depardieu : Je pense que la force de l’écriture de Bertrand est encore plus incisive. Sa difficulté à lui, c’est le monde du cinéma, qui a changé. Il a des difficulté­s à monter un film. Il a 10 000 idées dans son cartable, ça doit être dur pour lui… Dans les films de Blier, il y a la vie, la générosité et pas de la misogynie, comme on le lui a longtemps reproché.

Quant à vous Christian, c’était votre premier film avec Bertrand Blier…

Christian Clavier : Je tournais avec Catherine Frot, amie de Blier. Un jour, elle me rapporte qu’il aimerait bien travailler avec moi. Il n’a pas fallu longtemps pour que nous nous rencontrio­ns. Lors d’un déjeuner à l’ancienne au sancerre rouge, il m’a lu des scènes fantastiqu­es d’un film auquel je ne comprenais rien, tout en étudiant mes réactions ! La moitié du scénario a été récrit pendant le tournage… Bref, ce fut une aventure extrêmemen­t amusante car elle ne fut ni convenue, ni attendue, ni prévisible.

« Convoi exceptionn­el » est un film qui prend le contre-pied…

B. B. : C’est comme la vie. On est souvent pris à contrepied.

G. D. : C’est un film sur les femmes, sur le manque de femmes. Ce qui me frappe dans le film, c’est l’amour, à quel point les femmes sont seules et les hommes en survie. C’est aussi un film sur la mort qui ressuscite. La scène entre Christian Clavier et Alexandra Lamy est magnifique : quand elle part et qu’il la regarde.

B. B. : Je suis très content d’avoir tourné cette scène. Christian est fantastiqu­e quand il est sur son banc, mort. C’est un grand profession­nel. C’est un comique, mais quand on lui dit de ne pas être comique, il oublie de l’être. Et ce n’est pas un marrant. Il a la gueule de quelqu’un qui n’est pas content et qui n’aime pas les autres. C’est bien.

G. D. : Christian est quelqu’un d’intelligen­t. Ce qui est assez rare chez les acteurs… Je suis de plus en plus de mauvaise humeur sur un tournage, surtout de nuit et quand il fait froid, mais avec lui, il y a une alchimie.

C. C. : Comique ou pas comique, on joue de la même manière. La seule différence, c’est que certain ont la vis comica [« force comique »], d’autres pas. Je me sens parfaiteme­nt dans la lignée de Bernard Blier et de Michel Serrault et j’essaie de jouer la partition que Bertrand leur laissait. Gérard respire Blier. …

«Christian [Clavier] est quelqu’un d’intelligen­t. Ce qui est assez rare chez les acteurs… (…) Avec lui, il y a une alchimie. » Gérard Depardieu

« C’est comme les vagues sur la plage : Gérard [Depardieu] reste un roc. C’est un très grand monsieur. » Bertrand Blier

Quand on a fait la première lecture du scripte … chez toi, Gérard, avec Bertrand qui fumait une pipe ignoble qui pue, j’avais trouvé la première phrase un peu littéraire. Je le lui ai dit et Gérard m’a répondu : « Attends, tu vas voir ! » Soudaineme­nt, dans sa bouche, cette phrase prenait une autre tournure. J’ai compris qu’il ne fallait pas discuter du Blier, mais simplement le jouer. On remarque que, dans le cinéma, le rôle de Français moyen, très présent dans les années 1970, a été remplacé par le bobo ou le migrant.

B. B. : Avant, le rôle populaire, c’était celui du chauffeur de taxi.

G. D. : Je pense que le Français moyen n’existe plus. Il y a des pauvres et des très riches, qu’on n’entend pas. Par exemple, les gilets jaunes ne sont pas des Français moyens : ce sont des Français.

C. C. : Je ne suis pas vraiment d’accord avec ça. D’abord parce que je n’aime pas beaucoup l’expression « Français moyen ». Quand on la prononce, c’est souvent pour souligner une forme de médiocrité. Or il existe un patrimoine, une culture des clichés et même une exagératio­n française qu’on retrouve encore et toujours. Je pense que les choses ont bougé, mais je ne vais pas me lancer dans une analyse sociologiq­ue ou politique des évolutions de la classe moyenne. Blier, ce n’est pas un cinéma comme les autres… G. D. : Je ne vais pas faire le vieux con, mais quand même… Les films d’aujourd’hui se ressemblen­t. Ça va trop vite. On voudrait échapper à l’humanité. Avec Blier, on est dans l’humanité. Et c’est pour ça que ce sont de grands classiques.

B. B. : Je me sens tenu par la main de gens que j’ai connus, comme Jacques Becker, Jean Gabin… Je n’écris pas pour rien. Je suis là pour eux. Le cinéma français est très riche, avec un patrimoine fantastiqu­e. Nous avons inventé beaucoup de choses et nous avons été pillés.

C. C. : Dans ce film, on ne cherche pas à être des gens bien ou sympathiqu­es. On ne cherche pas à faire un film sympathiqu­e, mais un film dans lequel il y a de l’humanité. Gérard a raison de dire que ce film réserve aux femmes des scènes magnifique­s. Il n’est évidemment pas misogyne. C’est un cinéma d’auteur extrêmemen­t fort et parfaiteme­nt consommabl­e. Ce n’est pas un cinéma intellectu­el, mais fondé sur le ressenti, des répliques drôles qui nous prennent à contre-pied. Finalement, le problème du cinéma d’aujourd’hui n’est-il pas qu’il est désincarné ?

G. D. : C’est le monde dans lequel on vit qui est désincarné. Ça dépasse le cadre du cinéma. Aujourd’hui, on est dans le stand-up, avec des gens qui sont bons ou mauvais, qui sont sans arrêt dans la répétition de choses, ce qui fait qu’à la fin on n’entend plus rien. Par exemple, c’est devenu très rare les plans longs au cinéma. On suit ce que faisait Coppola dans « Apocalypse Now » : des hélicos à la con avec du Wagner. Dans « Les confins du monde », de Guillaume Nicloux, il y a un plan dans une forêt qui dure sept minutes. On voit le visage de Gaspard Ulliel, gardant la pose, alors que la scène dure, dure et on sent qu’il se dit : « Mais il va pas dire : “Coupez !” » Dans ces sept minutes-là, on voit la monstruosi­té. C’est ça le cinéma.

C. C. : Gérard a entièremen­t raison. C’est pour cette

raison que j’ai d’ailleurs préféré « Voyage au bout de l’enfer » à « Apocalypse Now ». Le tournage qui se déroulait en partie la nuit a été compliqué.

B. B. : Il y avait le vent, le froid et la nuit : la totale. G. D. : J’en avais marre. Je voulais rentrer à l’hôtel. Mais tu ne peux pas arrêter un film. Maurice Pialat disait : « Un film, c’est comme un compteur de taxi, ça tourne, tic, tic, tic. »

B. B. : Tu penses que c’est bien d’être contre le film quand tu le tournes ? C’est la première fois que j’entends ça. C’est pas con. C’est vrai que les acteurs sont souvent de mauvaise humeur sur un tournage. On se demande pourquoi. Ils sont emmerdants. Souvent, ils sont contre le film parce qu’ils aimeraient rentrer à la maison plutôt que rester là à faire le con. Mais, comme ils aiment ça, la situation devient douloureus­e. Bertrand Blier, vous dites : « Je n’aime pas les bonnes manières. Gérard est un voyou et, moi, je suis un voyou littéraire. » Mais encore ?

B. B. : J’ai dit ça, moi ? Faut pas écouter ce que je dis. J’ai un mystère. Il y a des mystères dans la vie. Depuis tout ce temps, pourquoi me suis-je si bien entendu avec Gérard et lui pourquoi s’est-il si bien entendu avec moi ? On s’est frités, mais on a fait beaucoup de trucs ensemble, comme des frères. Alors que l’on n’a pas les mêmes origines ni la même éducation, on partage le même langage. Tout à coup, les mots que j’écris, il les dit comme si c’était lui qui les avait écrits. C’est un mystère magnifique sur lequel j’écrirai peutêtre quand je serai très, très vieux, c’est-à-dire demain. Je n’ai pas ressenti cela avec tous les acteurs, seulement avec Gérard et avec mon père, Bernard Blier. Le responsabl­e, c’est lui. Il faut dire que j’ai été élevé par un maître de la comédie, au théâtre ou au cinéma. Je le faisais travailler quand je rentrais de l’école. Je me tapais deux ou trois heures de répétition par jour dans son bureau. Pas de caméra, rien : on était tous les deux. C’était une école redoutable, phénoménal­e.

G. D. : Dans « Buffet froid », je me suis même engueulé avec ton père. J’ai failli le pousser dans un ravin… Il avait monté Bertrand contre moi parce que je ne savais pas mon texte. J’ai été vexé. Je lui ai dit : « Si je veux, je te pousse… Tu m’as brouillé avec ton fils. Tu m’emmerdes vraiment ! »

B. B. : On a eu des moments difficiles…

G. D. : J’ai vu qu’il pouvait être très odieux. Mais jamais il ne m’en a voulu avec cette histoire. Et moi, je ne savais pas pourquoi j’avais réagi comme ça. A l’époque, j’avais des ruades terribles, des ruades de con. Dans le film, Gérard, vous vous révoltez et dites : « Qui a écrit ces conneries ? »

G. D. : Je ne me révolte pas. Je suis feignant. Bertrand, ton personnage est feignant.

B. B. : Bah oui ! On pourrait même faire un

« Les mots que j’écris, Gérard les dit comme si c’était lui qui les avait écrits. (…) Je n’ai pas ressenti cela avec tous les acteurs, seulement avec Gérard et avec mon père. »

Bertrand Blier

autre film avec des acteurs prêts à tuer le met… teur en scène parce qu’il écrit trop de dialogues. On prend Fabrice Luchini, on le fait jouer le metteur en scène et on le bute. Mais le patron d’un film, n’est-ce pas le scénariste ?

B. B. : Non, c’est le metteur en scène. Le scénariste est le patron avant et puis il se casse. Pendant que les acteurs ont froid, lui est bien au chaud à Saint-Tropez. Le plus beau métier du monde, c’est être auteur. Mon père m’avait dit ça.

G. D. : Le patron, c’est celui qui trouve le cadre. Un cadre peut nous emmener loin. J’aime bien les plans larges, fixes. Dans « Bohemian Rhapsody », il y a le concert de Wembley, où l’on voit toute la foule dans le stade.

C. C. : Dans ce film, c’est Gérard qui m’a guidé à l’intérieur du monde de Blier. Jouer avec un partenaire avec lequel on s’entend bien est une danse, mais là, c’est Gérard qui mène. Ensemble, on a donné du prix à toutes les prises. On n’avait pas envie d’en faire vingt-cinq, donc on s’est mis sur un fil. Ne trouvez-vous pas que notre monde est aseptisé aujourd’hui, à l’image d’un certain cinéma ?

G. D. : Aujourd’hui, il n’y a plus de vrai cinéma. Il y a trop de gens qui s’expliquent, et quand on s’explique, on n’a souvent rien à dire. On essaie de raconter une histoire dont on peut se foutre. Quand je vois les promos des films aujourd’hui, c’est difficile de trouver au moins trois bons plans.

C. C. : Parfaiteme­nt d’accord. Le spectacle, pour moi, c’est Pinder ou Bouglione : on est au cirque. Or on a laissé le spectacle à des professeur­s qui s’expliquent et expliquent leurs bonnes intentions. Cela ne suffit pas à faire de bons films, de bonnes pièces de théâtre ou de bons romans. L’époque se veut explicativ­e pour que l’on soit bien sûr de ce dont on parle ! Ce qu’on ressent devant un tableau ou une musique doit désormais être expliqué. C’est une prise de pouvoir du prof ou de l’universita­ire qui ont contribué à massacrer des classiques pendant notre adolescenc­e. Le cinéma devrait être le véhicule de l’émotion alors qu’aujourd’hui il se désincarne, soit avec des comédies trop clonées, soit avec des oeuvres excessivem­ent didactique­s. Finalement, aujourd’hui, ce sont les séries qui prennent le plus de risques, même si on sent déjà la mainmise du financier, qui veut imposer des recettes qu’il croit gagnantes. Aujourd’hui, on a tendance à tout psychologi­ser ?

G. D. : Oui, on doit s’expliquer sur tout. Quand je vois à la télé Christine and the Queens obligée d’expliquer ses intentions, comme si la mélodie et la chanson elles-mêmes ne suffisaien­t pas… Dans mon hommage à Barbara, je n’ai jamais essayé d’être chanteur. J’ai simplement essayé de retrouver Barbara. Il ne faut pas penser. Ce qui coupe la magie, c’est la pensée.

B. B. : Tu l’as retrouvée. Tu as une oreille fantastiqu­e, tu aurais pu être pianiste mais avec des mains

un peu plus fines. [Rires.]

G. D. : [montrant ses mains] J’ai des mains à toucher de la viande. [Rires.]

Pourquoi ce titre « Convoi exceptionn­el » ? B. B. : Parce que j’ai pensé aux acteurs : DepardieuC­lavier, c’est un convoi exceptionn­el. Les acteurs sont des camions. Comme Lino Ventura et Michel Serrault, c’est exceptionn­el aussi. C’est tout. C’est la réponse que je vais donner chaque fois qu’on va me demander le sens du titre.

G. D. : Un camion, ça suit une route. Quand un camion déborde, les gens s’écartent. Là, on est dans le camion qui dépasse les normes. Tous au volant. Ce que j’aime, c’est l’imprévu dans ce convoi. Un imprévu qui ne l’est pas tant, c’est la mort. Vous parlez beaucoup de la mort. C’est le film, l’époque ou vous ?

B. B. : On en parle parce que c’est le seul sujet qui mérite de se déplacer. Sinon, on se fait chier avec des histoires d’amour à la con.

G. D. : Il n’y a que la fin de la vie qui est importante. La mort ne me rend pas triste. Je vois plein de gens autour de moi mourir. De toute façon, depuis le premier moment, c’est l’horloge qui tourne. Je me souviens d’un grand réalisateu­r, Claude Régy, qui vit toujours. Il me disait : « Il faut dire les répliques comme si c’était la dernière fois. » Et c’est vrai, tout à coup, cette réplique prend un temps différent. Ce que je reproche à Fabrice Luchini et à d’autres acteurs, c’est de ne pas dire parfois des mots et des répliques comme si c’était la dernière fois.

C. C. : Il faut dire les répliques comme si c’était la dernière fois et comme si c’était la première fois. Bertrand nous a souvent donné des textes deux minutes avant de les tourner. Il faut donc mettre dedans ce qu’on vous a demandé de mettre : c’est tout ce que j’aime dans le cinéma ! Et c’est toute notre symbiose avec Gérard. On ne pense pas avant de dire, de faire et d’être pour ne pas jouer. Et cela, Bertrand l’a capté avec beaucoup d’intelligen­ce. Gérard Depardieu travaille avec une oreillette plutôt que d’apprendre ses textes. Est-ce déstabilis­ant pour son partenaire ?

C. C. : Ça ne change rien. Il connaît mon tempo et sait que je vais parler très vite, donc, Léa, la jeune femme qui lui souffle son texte, le lui dit pendant que je termine ma réplique. Comme il a deux cerveaux, il s’adapte merveilleu­sement, c’est dément. Je ne ressens aucune différence, car tout est pensé et finalement efficace. C’est un acteur de génie. Il ne faut pas jouer, il faut être. C’est que nous nous efforçons de faire, lui avec l’oreillette et moi en apprenant mes rôles longtemps à l’avance. Gérard Depardieu, il paraît que vous voyez souvent Michel Houellebec­q. Vous parlez de quoi ?

G. D. : On ne se parle pas. Lui, il parle parce qu’il s’aime beaucoup. II a raison. Pourtant, on ne dirait pas à le voir physiqueme­nt. Il s’est marié, il a refait ses dents. Il est jeune, il bande.

Qu’est-ce qui vous plaît chez lui ? Son côté hors normes ?

G. D. : Pas du tout. J’ai fait un film avec lui [« C’est extra », de Guillaume Nicloux]. Je trouve qu’il a des bonnes reparties et un physique. Il est simple, beaucoup plus simple dans la vie que dans ses livres. Et voilà. Je lui ai dit : « Pourquoi tu n’écris pas un livre comme tu es ? » Sa réponse ?

G. D. : « Je suis comme ça. »

Vous êtes désespéré du monde dans lequel vous vivez ou indifféren­t ?

G. D. : Non. J’aime les Français. Je pense qu’ils sont désespérés. Je ne parle pas des Parisiens et des cassecouil­les de politiques. Je parle des gens, des vrais. Je le vois chez des paysans, des agriculteu­rs, des maraîchers, je le vois partout. Même chez les toubibs de province. On est dans le sordide en ce moment. Les Français se sont détournés d’eux-mêmes : ils ne regardent plus les villages, les monuments aux morts ; ils oublient les valeurs. Ils s’en foutent complèteme­nt. Depuis Louis XIV, les Lumières sont éteintes et c’est pas brillant. Qu’est-ce que les gens veulent aujourd’hui ? Quels sont leurs problèmes ? Maigrir, déstresser, essayer de bander, de vieillir moins vite. Et vous, vous voulez échapper à ça ? G. D. : C’est ce que je vois. Moi, d’abord, ça regarde personne. J’ai des problèmes avec ma cheville et avec la main gauche que je me suis foulée en me branlant… [Rires.] Le pire que j’ai vu, c’est le Japon. Là-bas, j’ai vu des hommes déserter leurs femmes. J’ai interviewé ces jeunes femmes mariées depuis quinze ans avec

des maris qui ne font l’amour qu’une fois par an… B. B. : C’est déjà énorme !

G. D. : Je leur ai dit : « Vous avez des jouets, des perceuses pour vous gratter l’oignon. » « Oui, m’ont-elles répondu, mais on est tellement délaissées qu’on finit par douter de soi, par se fermer. » Bertrand Blier, qu’est-ce qui vous donne encore envie de faire du cinéma ?

B. B. : J’aime bien tourner, c’est un plaisir. « Convoi exceptionn­el » fut un plaisir de mise en scène que je n’avais pas encore connu. Le cinéma est un peu compliqué, on a tendance à avoir le trac. Quand on est jeune, on répète les scènes, on fait des croquis, on place et on replace les caméras… Avec les années, on s’aperçoit que tout ça n’a aucune importance. On est plus décontract­é et le cinéma devient un bonheur, pas très compliqué, à condition d’avoir de bons acteurs. Et c’est tout. Dans tout ce que j’ai fait dans ma vie, cinéma, théâtre et livres, c’est le cinéma qui m’attire le plus et m’empêche d’avoir la sensation d’être vieux. Quand je suis sur un tournage, je suis debout et je dirige les autres. Et vous, Christian ? C. C. : Très bonne question. Comme l’a écrit Audiard, pour Michel Serrault : « C’est une question que je n’ai pas fini de me poser ! » Quand je tourne avec Gérard et Blier, je sais que c’est rare et éphémère, mais je n’ai qu’une envie : recommence­r. Quand c’est le « Bon Dieu », je me régale car le personnage de Verneuil m’offre une très grande liberté de dire et de faire des choses qui ne sont pas permises ailleurs. Dans d’autres cas, cela peut être plus compliqué

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 ??  ?? Frères. « On s’est frités, mais on a fait beaucoup de trucs ensemble, comme des frères », dit Bertrand Blier de son complice (ici, le 19 février, à Paris).
Frères. « On s’est frités, mais on a fait beaucoup de trucs ensemble, comme des frères », dit Bertrand Blier de son complice (ici, le 19 février, à Paris).
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Sur le tournage. « Depardieu-Clavier, c’est un convoi exceptionn­el », remarque Bertrand Blier. D’où le titre du film.

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