Le Point

Superstar au Liban

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Parfois, ils se surprennen­t à parler de lui au passé. Ils se reprennent alors avec effroi. Trois mois après l’arrestatio­n de Carlos Ghosn à Tokyo, les Libanais sont toujours sous le choc. Et le soutiennen­t en bloc. Fin novembre 2018, une campagne d’affichage, osée, envahit les rues de Beyrouth : « Nous sommes tous Carlos Ghosn. » Nadim Nader, un ancien camarade de classe, lance sur Facebook un « comité de soutien à M. Carlos Ghosn » qui compte 10 000 adhérents : « Qu’il ait fait des petites bêtises, c’est possible… Qui ne fait jamais d’erreurs ? Ce qui choque, c’est qu’il ait été piégé par Nissan, puis arrêté comme un mafieux et jeté en prison sans pouvoir se défendre. » Ici, les Japonais n’ont pas bonne presse, tout comme les Français, accusés d’avoir lâché l’ex-PDG de Renault. Ghosn, mis en examen pour « dissimulat­ion de revenus » et « abus de confiance aggravé », est par ailleurs critiqué pour le faste de son train de vie payé par Nissan : invitation d’amis au carnaval de Rio aux frais de la princesse ; mélange des genres en 2014, en organisant une soirée de célébratio­n de l’alliance au château de Versailles… le jour de son anniversai­re, etc. « Ghosn a trois passeports mais il est en réalité 100 % libanais. Sa manière d’être un businessma­n, de ne pas avoir peur d’afficher sa richesse et sa réussite, son goût pour la fête…, explique Muriel Rozelier, journalist­e au mensuel économique libanais

Le Commerce du Levant. Offrir des voyages à des amis qui sont aussi des relations d’affaires, la plupart des Libanais ne voient pas où est le problème... Le concept d’abus de bien social n’est pas totalement entré dans les moeurs. »

Carlos Ghosn est un chrétien maronite qui pratique peu. Il a néanmoins tenu à organiser la première communion de son fils Anthony au Liban dans la petite chapelle de Harissa, située sur une colline rocheuse, en bord de mer. Carlos Ghosn a été élève au collège jésuite de Notre-Dame-de-Jamhour, institutio­n élitiste de Beyrouth, à la discipline quasi militaire. Il y fut écolier de l’âge de 6 ans au baccalauré­at. « C’était un garçon très intelligen­t, mais comme il allait très vite, surtout en maths et en physique, il finissait ses exercices avant tout le monde, puis se mettait à chahuter et à perturber la classe, se souvient le père Jean Dalmais, âgé aujourd’hui de 92 ans, qui coule une retraite paisible dans l’enceinte du campus boisé de Jamhour. Il n’était pas un premier de la classe mis à l’écart, solitaire. C’était un leader. » Ghosn s’agace quand il croise un ex-camarade qui ne roule pas en Renault ou en Nissan. « Tu roules en Chevrolet ? Mais tu es fou ou quoi ? Tu sais qu’il y a d’énormes problèmes de service après-vente… Change tout de suite

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Soutien. « Nous sommes tous Carlos Ghosn », une campagne d’affichage dans les rues de Beyrouth.

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