RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE
Civilisations. Au royaume des imposteurs magnifiques, Psalmanazar mérite une place d’honneur. Né on ne sait où en Europe à la fin du XVIIe siècle, il parvint à se faire passer pour un natif de Formose (actuel Taïwan). Au point de publier un récit ethnographique sur sa prétendue île d’origine, qui fit fureur à Londres grâce aux détails horrifiques qu’il donnait, cannibalisme et sacrifices d’enfants en tête. Adoubé par la Royal Society et créateur d’une langue d’apparence complexe et cohérente (sa version du formosan, bien sûr), il finit, hélas, par être démasqué… Son parcours compte parmi ceux racontés par Jean Talon (en médaillon) dans « Explorateurs, touristes et autres sauvages ». Dans des chapitres brefs et stimulants, cet Italien membre de l’Oulipo et traducteur de Pérec et de Michaux traque les histoires les plus folles de rencontres entre les peuples. Du XVIe siècle à nos jours, attentif aux destins oubliés et aux marges insoupçonnées de l’Histoire, il questionne la figure du sauvage. Et la confrontation tourne souvent au fiasco. Tragique, comme le sort des Indiens embarqués depuis la Terre de Feu jusqu’en Angleterre à bord du « Beagle » en compagnie de Charles Darwin. Ou comique, comme ces tour-opérateurs proposant dans les années 1980 des voyages en Nouvelle-Guinée chez les coupeurs de têtes – qui, on s’en doute, ne l’étaient plus guère. A sauvage, sauvage et demi…
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« Explorateurs, touristes et autres sauvages », de Jean Talon. Traduit de l’italien par Stéphanie Leblanc (Plein Jour, 158 p., 16 €).