Laïcité : le sparadrap des macronistes…
Les propos d’un député LREM comparant le hidjab au serre-tête révèlent l’absence de ligne directrice dans les rangs de la majorité.
«On sort d’une crise ! Le moment est au grand débat national et à l’Europe, pas aux émois des uns et des autres sur la laïcité. Parfois, il fait bon se taire ! » Dire qu’Emmanuel Macron n’a pas apprécié de voir l’annonce de sa grande lettre pour l’Europe, publiée en 25 langues, polluée par les bisbilles de ses soldats à propos d’un « hidjab de running » serait un euphémisme. Elles l’ont passablement « énervé » , selon le ministre qui rapporte ces propos tenus ce week-end par le chef de l’Etat. La controverse autour de cet accessoire qui aurait pu garnir les rayons des magasins Decathlon a monopolisé l’attention médiatique la semaine passée et largement secoué la majorité. Le dérapage non contrôlé du député du Vald’Oise et ancien socialiste Aurélien Taché, établissant sur le plateau de « C l’hebdo », sur France 5, un parallèle entre les voiles et les serre-tête, a plongé le groupe parlementaire de La République en marche dans un profond embarras. Plusieurs de ses camarades, au premier rang desquels la porte-parole du groupe LREM Aurore Bergé, l’ont vivement interpellé sur Twitter. « Tout ne se vaut pas. Un serre-tête n’est pas un hidjab ! » a posté l’ex-LR, qui avait auparavant annoncé vouloir boycotter la marque Decathlon quand Taché voyait dans cette polémique une « obsession du voile et de l’islam, niché dans l’inconscient du républicanisme » . Lundi soir, le jeune homme a écopé d’un rappel à l’ordre de Stanislas Guerini lors du bureau exécutif du mouvement. Mais le sujet ne semble pas pour autant éteint. « La laïcité est un sujet miné sur lequel nous allons avoir un vrai problème de cohésion. Si ça continue comme ça, il va vraiment devenir difficile de faire coexister les différentes lignes dans le même parti » , s’inquiète un député en vue du groupe LREM.
La discorde ne date pas de cet épisode. En mai 2018, un hidjab orangé faisait apparaître au grand jours ces
« Est-ce que vous me poseriez la question sur une famille catholique, une jeune fille à qui on mettrait un serre-tête ? » Aurélien Taché, sur France 5, le 2 mars
dissensions : celui de l’étudiante Maryam Pougetoux, présidente de l’Unef à Paris-IV, interviewée par M6 foulard sur la tête. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérard Collomb, avait jugé l’accoutrement « choquant » , l’assimilant à du « prosélytisme » . Marlène Schiappa y avait également été de son jugement : « L’Unef est censée être un syndicat étudiant progressiste féministe alors que le voile est la preuve de l’emprise de la religion. J’y vois une forme de promotion de l’islam politique. » A rebours des voix de l’exécutif, le même Aurélien Taché avait défendu la jeune femme, invoquant Macron : « Le président a dit une chose intéressante sur la laïcité, il a dit que c’était l’Etat qui était neutre et pas la société. Moi je continue à me mettre dans cette logique-là», martelait-il sur Europe 1. Déjà, Aurore Bergé avait fait entendre sa voix contradictoire. Déjà, deux pôles antagonistes se dessinaient.
Tabou. Néanmoins, depuis près de deux ans, le marais des députés de la majorité prend soin de ne pas se positionner sur le terrain de la laïcité qu’ils savent piégeux, tant sur le plan électoral que médiatique. D’ailleurs, au tout début de la législature, les parlementaires fraîchement élus ont suivi des formations dispensées par le groupe dans lesquelles il leur était déconseillé de répondre à des journalistes sur « les sujets sensibles comme la laïcité » . Pas étonnant que le sujet reste dès lors frappé de tabou et ne se discute que sous le manteau, hors des cadres institutionnels. Il arrive que des différends surgissent subitement dans l’espace public. Aurélien Taché et le député LREM du Cher François Cormier-Bouligeon ont publiquement échangé des amabilités peu confraternelles sur le réseau social à l’oiseau bleu : « Tu n’es peut-être pas le mieux placé pour faire la leçon sur le progressisme et l’émancipation au vu de tes positions plus proches du communautarisme que de la laïcité », a taclé Cormier-Bouligeon. « Défendre les libertés pour toutes et tous, quelle que soit l’orientation sexuelle, l’origine ou la religion, c’est cela le progressisme. En exclure les musulman(e) s… cela porte un autre nom et c’est un délit, pas une opinion », a rétorqué Taché.
Pourtant, un groupe de travail informel, consacré aux « islams en France » et présidé par le député de Gironde Florent Boudié, planche sur ces questions afin d’apaiser le débat. Ils sont aujourd’hui 37 parlementaires à en faire partie. « Le groupe LREM est à l’image de la société française, traversé de points de vue
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« Aucune femme dans le monde ne sera lapidée parce qu’elle a refusé de porter un serre-tête. » Marlène Schiappa, sur RTL et LCI, le 3 mars