Amin Maalouf : « Le monde est en voie de tribalisation »
A partir de l’analyse des pays arabes, l’académicien, né à Beyrouth, partage son inquiétude dans « Le naufrage des civilisations » (Grasset). Il retient 1979 comme « annus horribilis », celle du triomphe des conservatismes.
Deux plumes cohabitent sous sa belle tête léonine : la première, tenue par le romancier et l’historien, nous a offert depuis plus de trente ans quelques fresques haletantes qui chevauchent les siècles, embrassent les cultures et les civilisations : « Samarcande », « Léon l’Africain », « Les croisades vues par les Arabes », « Le rocher de Tanios » (prix Goncourt 1993)… Y prédomine son goût pour les passerelles, les carrefours, les renversements de perspective, les personnages hybrides, écartelés entre deux mondes. A la faille, à l’affrontement Amin Maalouf a toujours préféré l’épopée de la rencontre, de l’ouverture et du lien. Mais court également chez l’académicien la veine essayiste, de plus en plus apparente, celle d’un « observateur désespérément rationnel » en réflexion sur l’état du monde, qui ne laisse pas de l’inquiéter. Distinguer ces deux Maalouf, qui ont pu unir leurs forces dans un seul ouvrage comme « Le premier siècle après Béatrice », fable crépusculaire, est bien entendu artificiel tant l’un nourrit l’autre. Mais après « Les identités meurtrières » et « Le dérèglement du monde », « Le naufrage des civilisations » prolonge la passion réflexive pour l’actualité de cet ancien journaliste, qui a grandi à Beyrouth dans la maison d’un des principaux journalistes libanais. Exposé dès l’enfance aux assombrissements du Proche-Orient,
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