Le Point

Hela Ouardi : à l’origine de l’islam, un coup d’Etat

- CATHERINE GOLLIAU

En 632, Mahomet s’éteint à Médine, sans avoir officielle­ment désigné de successeur. La tragédie peut commencer : le corps du Prophète est encore chaud que déjà la jeune communauté musulmane se déchire. De ce conflit primordial Abou Bakr sort vainqueur et devient le premier calife. Ses successeur­s, Omar, Othman et Ali, seront tous assassinés par des musulmans. Pourquoi tant de violence ? En se fondant sur les seules sources musulmanes, étonnammen­t éclairante­s, la chercheuse tunisienne Hela Ouardi, déjà auteure des « Derniers jours de Muhammad », raconte dans un récit haletant, « La déchirure », premier volet d’une saga intitulée « Les califes maudits » (Albin Michel), ce drame dont l’islam paie toujours le prix. Et les non-musulmans aussi

Le Point : Vous mettez en scène comme si vous y étiez des événements qui se sont passés au VIIe siècle. Est-ce de la fiction ou de l’Histoire ? Donc, les sources canoniques de l’islam disent noir sur blanc que l’islam après Mahomet commence par un complot ?

Oui, les sources sont aussi claires qu’abondantes sur ce point. Mais plutôt que de complot je parlerais de « coup d’Etat ». L’opposition farouche à laquelle Abou Bakr sera confronté au lendemain de son arrivée au pouvoir prouve que, aux yeux de nombreux musulmans, il n’avait aucune légitimité. Ce sont d’abord les Auxiliaire­s, natifs de Médine, qui refusent de se soumettre à lui, puis la famille du Prophète, parce qu’elle pense qu’il a profité de l’enterremen­t de Mahomet pour faire main basse sur le pouvoir sans la consulter. De plus, pour la famille du Prophète, c’est Ali, cousin et gendre de Mahomet, qui a été choisi par ce dernier pour lui succéder. Les graines du schisme entre sunnites et chiites ont ainsi été semées dès les premières heures qui ont suivi la mort du Prophète. Les débuts du premier califat ont inscrit la discorde dans le « programme génétique » de l’islam.

Le Prophète avait pourtant vaincu La Mecque et converti ses habitants. Ces musulmans n’étaient-ils pas devenus des alliés ?

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