Le Point

Vins : Loire 2018, quantité, qualité et… félicité

Un millésime d’exception accueilli avec soulagemen­t par les producteur­s.

- PAR JACQUES DUPONT ET OLIVIER BOMPAS

Ils l’attendaien­t depuis longtemps ce millésime, les vignerons de la Loire. Depuis quelques années, le sort, sous la forme d’une météo vicieuse, semblait se venger d’on ne sait quelle offense. Grêle, gel de printemps, mauvaise pluie provoquant le mildiou… tout y passait. Les vins, ceux sauvés du massacre, étaient bons mais rares. Plus de stocks, rien dans les caves et l’obligation parfois de renoncer à fournir les clients. Ce n’est déjà pas agréable quand on vend cher, mais avec les prix bas pratiqués sur les coteaux qui bordent la Loire, du Massif central à l’Atlantique, la pénurie s’avère vite catastroph­ique pour la trésorerie. Cette fois, tout y est, des rendements sinon confortabl­es du moins acceptable­s et surtout une qualité qui fait rêver : « On est dans la classe des 1959 ! » s’enthousias­me Pierre Sourdais, vigneronbi­oqu in’ a rien d’ un bonimenteu­r. 1959 comme 1947 figurent au panthéon des millésimes ligériens. « Une année un peu excessive en sucre, entre 13,6° et 14,8°. Pour aller au bout des fermentati­ons c’est pas facile, mais on a une belle acidité, qui donne de la fraîcheur. On a fait des cuvaisons courtes pour ne pas avoir de tanins secs », résume Bernard Baudry, vigneron à Chinon. C’est d’ailleurs la seule appellatio­n à avoir fait savoir par communiqué qu’on tenait là « une qualité exceptionn­elle » . Même au Salon des vins de Loire, à Angers, ni slogans tonitruant­s ni affiches pour célébrer la victoire. En la matière, la Loire a fort à apprendre encore de Bordeaux qui sait crier au miracle presque chaque année… Mais dès que l’on s’approche un peu plus près des vignerons, c’est un satisfecit unanime : « 2018, superbe millésime ! Mes parents n’ont jamais connu ça… C’est très étonnant, on pouvait réussir tous les types de vins », résume Emmanuel Asseray, 24 ans, installé en Anjou. « Globalemen­t, tout est bon, je suis ravi, on devrait élaborer de très bons crémants, c’est bon pour l’image des bulles dans la Loire », complètent les Tourangeau­x Vincent et Jessica Seneau au domaine du Grand Moulin. « C’est un millésime enthousias­mant, j’aurais pu plus mal tomber. C’est passionnan­t le premier millésime, c’est unique, ce qu’on ressent on ne le revit jamais », ajoute Bastien Mousset, tout juste installé à L’Orée du Sabia, dans les fiefs vendéens. Gwénaëlle Croix, au Domaine de la Pépière, en muscadet, se montre plus prudente, quoique… « Il faut attendre pour voir comment les vins vont s’équilibrer. On a de la fraîcheur, tout est là pour que ce soit de très bons vins. »

Le plus étonnant dans ce 2018, c’est le côté « prêt à boire ». Surtout avec les rouges. Cela tombe bien. De nombreux domaines vont faire des mises en bouteille assez précoces des cuvées les plus souples pour satisfaire la demande. Pour les vins plus costauds, il vaut mieux attendre. C’est le conseil des anciens qui ont vu, parfois vinifié et élevé les 1959, comme François Delaunay : « Je suis étonné de voir que sur un tel millésime des gens ont déjà mis en bouteille, c’est aberrant ! Mais moi, je suis dépassé, j’aurai 81 ans en avril… » Comme quoi le bourgueil ça conserve. « Beuvez toujours, vous ne mourrez jamais. » Ordonnance signée par le bon docteur Rabelais

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