Biographie (D. de Saint Pern) : Edmonde Charles-Roux, une vie
Dans « A défaut de génie », François Nourissier, qui était son ami, déclarait voir en Edmonde Charles-Roux « un sujet idéal » pour les chercheurs. Et d’ajouter : « Je devine dans sa vie ce qu’il faut de romanesque, de risques pris, de secrets gardés, pour nourrir une histoire. » Ce « devine » est plaisant mais il s’impose s’agissant de la très élégante Edmonde, qui ne se vautrait guère dans les confidences. Ecrivaine (Prix Goncourt en 1966 pour « Oublier Palerme ») devenue manitou des lettres en tailleur Chanel, journaliste (d’Elle à Vogue, qu’elle dirigea), épouse de Gaston Defferre, cette grande bourgeoise affranchie refusa toujours d’écrire ses Mémoires et n’accéda jamais aux demandes de biographes.
Et voici que paraît un ouvrage intitulé simplement « Edmonde ». L’autrice ? Dominique de Saint Pern, journaliste et romancière qui, de Dorothy Parker à Karen Blixen, a toujours aimé les « femmes qui osent » . Avec Edmonde, elle a été servie. Et ce d’autant mieux qu’en 2013 Mme Charles-Roux avait légué aux archives de Marseille la correspondance de sa mère. Un « trésor mémoriel » si fabuleux qu’elle dut trancher : son roman ne couvrirait que la jeunesse de son héroïne, les années pendant lesquelles cette jeune fille convenable devint une femme indomptable.
Chic renversant. L’ « histoire » commence en 1938. La benjamine de l’ambassadeur Charles-Roux a 18 ans et elle rêve. Elle aime à la folie Camillo Caetani, l’héritier d’une des plus nobles « maisons » romaines ; demain, elle sera duchesse. Et puis elle adore son clan, sa soeur aînée, la ravissante Cyprienne, et Jean, son frère si brillant, plus une tripotée de cousins et d’amis épatants. Mais ce monde ancien va s’effondrer et la famille CharlesRoux traversera tous les conflits de ces temps maudits. L’ambassadeur passe par Vichy, mais démissionne vite ; Cyprienne se lie avec Ciano, le gendre de Mussolini, puis épouse un dignitaire du régime fasciste ; Jean annonce qu’il veut devenir prêtre et il s’engage. Camillo est tué sur le front albanais. Edmonde entame ce qu’on appelle une très belle guerre avec blessures, décorations, Résistance. Elle finira soldat de la 5e DB. Tout cela en restant d’un chic renversant. C’est fascinant.
Et, en attendant la suite, cela fait songer que, décidément, François Nourissier avait raison : Edmonde est « un sujet idéal »
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