Opioïdes : la France n'est pas l'Amérique
DOULEUR Les antidouleurs dits « opioïdes » – car agissant comme l’opium (en photo, du pavot) et donc très addictifs – sont de plus en plus consommés en France et entraînent plus d’hospitalisations et de décès, constate l’Agence nationale de sécurité du médicament. « Avec la crise des opioïdes aux Etats-Unis, il fallait faire un état des lieux en France, mais la situation n’est pas comparable ! » rassure le Pr Nicolas Authier chef du service de pharmacologie et de la douleur au CHU de ClermontFerrand. 200 personnes meurent chaque jour, outreAtlantique d’une overdose d’opioïdes, contre 200 par an en France. Pourtant, 10 millions de Français s’en sont vu prescrire en 2017. « Cela semble énorme, mais la majorité ne présente aucun problème d’addiction. Pas question de diminuer la consommation d’opioïdes. La douleur aiguë, tout le monde la connaît, mais la douleur chronique concerne 12 millions de Français pour qui la prise en charge s’est améliorée. » L'addiction résulte surtout d’un mésusage non intentionnel. Les patients dépendants présentent souvent une vulnérabilité préexistante (troubles de l’humeur, anxiété…). Les opioïdes, antalgiques mais aussi psychotropes, lissent les émotions et donnent une fausse impression de mieux-être qui incite à continuer à les prendre même quand la douleur a disparu. Il va donc falloir insister sur l’amélioration des connaissances des prescripteurs et des patients. Si les prescriptions des opioïdes forts sont très enca- drées, ce n’est pas le cas des opioïdes faibles. « Le tramadol, le plus prescrit, est consommé par 5,8 millions de Français, dont la plupart ne savent pas que c’est un opioïde et, pire, certains médecins qui le prescrivent non plus ! » avoue le Pr Authier. Revoir la durée des premières prescriptions et les conditions de renouvellement des opioïdes faibles (aujourd’hui jusqu’à douze mois) est une nécessité.
« Pour des douleurs aiguës, des prescriptions initiales de vingthuit jours, c’est beaucoup trop long ! Il faut réévaluer régulièrement la balance bénéficesrisques du traitement, surtout au début. »
■
Egalement président de l'Observatoire français des médicaments antalgiques.