Macron critiqué par sa famille (d’esprit)
Ce n’est pas chez les Insoumis ou les lepénistes que s’exprime la plus redoutable critique du macronisme au pouvoir, mais chez les libéraux. Cette fronde devrait alerter le président : elle émane de sa propre famille philosophique. Une famille cultivant la modération, le doute, et non l’outrance et le dogmatisme. Monique Canto-Sperber n’est pas ce que l’on pourrait appeler une extrémiste. Cette philosophe a notamment dirigé l’Ecole normale supérieure. Son nouveau livre, « La fin des libertés » (Robert Laffont), un très éclairant inventaire du libéralisme, établit un diagnostic négatif des deux premières années du quinquennat. Non seulement, selon elle, l’élection d’Emmanuel Macron ne signifie pas le retour du libéralisme en France, mais elle redoute aussi que la pratique du gouvernement « ne s’éloigne des idéaux du libéralisme ». Que reprochet-elle au macronisme ? Concentration du pouvoir, mise en scène permanente du président en homme providentiel, méfiance à l’égard des oppositions et du pluralisme politique… Elle dénonce les atteintes à la légitimité des collectivités locales, des institutions ou des associations, ces « creusets de libertés ».
Le livre de Canto-Sperber est un signal d’alarme : la liberté politique dans nos démocraties est en danger. Pourtant, avec son grand débat national, Emmanuel Macron pourrait bien avoir inventé une forme de délibération publique adaptée à notre époque. En mai auront lieu les élections européennes. A cette occasion, les macronistes entendent rassembler sous leur bannière tous les pro-européens. Une « illusion », selon Monique Canto-Sperber. L’« alliance hégémonique au centre » est une « fausse bonne idée », qui pourrait s’avérer dommageable au pluralisme. Celui-ci, rappellet-elle, ne consiste pas en « l’affrontement entre “eux” et “nous”, entre le raisonnable et l’aventureux, entre l’admissible et l’intolérable, mais en une palette de choix politiques ». Pour le moment, cette « palette » manque singulièrement de couleurs
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