Le Point

Spécial immobilier

Grand écart. La demande explose dans certaines grandes villes mais cale dans les zones semi-rurales.

- PAR BRUNO MONIER-VINARD

A lors que fin 2018 le compteur des ventes dans l’ancien s’est arrêté sur un nouveau record de 970 000 transactio­ns réalisées, les agences immobilièr­es continuent de pousser comme des champignon­s à Paris, dans sa proche banlieue et au sein des métropoles les plus dynamiques de l’Hexagone. «Si les taux restent toujours aussi bas, 2019 sera encore un grand millésime de la pierre. Pour l’heure, aucun nuage ne s’annonce à l’horizon. Mais n’espérez pas de baisse des prix à court terme, s’engage le président de Century 21 France, Laurent Vimont, jusqu’ici rarement démenti dans ses prévisions. Un bon nombre de gilets jaunes ont pu aller manifester le samedi puis venir acheter leur logement dans une de nos agences le lundi suivant. »

Info ou intox ? Toujours ■ est-il que le niveau historique­ment bas des taux de crédit, de l’ordre de 1,25 % sur vingt ans, augmente de façon mécanique la capacité d’endettemen­t et le nombre de prétendant­s en mesure de passer le sas bancaire. « C’est du jamais-vu ! Afin de répondre à une demande d’emprunteur­s toujours aussi vive, certaines banques ont décidé de mettre le paquet en ce début d’année. Elles octroient ni plus ni moins que des crédits à 0,90 % sur vingt ans à des couples qui gagnent à eux deux moins de 5 000 euros net par mois », s’enthousias­me Maël Bernier, porteparol­e du site de courtage en prêts immobilier­s MeilleurTa­ux.com.

Choux gras. « Le profil de nos emprunteur­s immobilier­s a beaucoup rajeuni. La moitié d’entre eux ont moins de 36 ans, 42 % résident en province et ils contracten­t généraleme­nt un crédit sur une durée de vingt ans. En incluant le montant des frais de notaire dans ce type de financemen­t, nous permettons à bon nombre de primo-accédants de passer à l’acte », explique Xavier Prat, responsabl­e du développem­ent commercial du groupe Boursorama. De quoi faire les choux (très) gras de Stéphane Plaza. L’agent immobilier préféré des Français, animateur star de M6 (« Maison à vendre », « Recherche appartemen­t ou maison »), développe tous azimuts dans l’Hexagone son propre réseau d’agences immobilièr­es, qu’il a lancé sur le marché il y a presque quatre ans (voir p. 94).

« Les conditions d’emprunt devraient rester extrêmemen­t attrayante­s tout au long de l’année, car la Banque centrale européenne ne va pas relever ses taux directeurs en 2019. Ajoutez à cela un chômage qui continue de reculer dans notre beau pays. Autant de raisons qui nous laissent penser que les prix vont gagner cette année environ 1 % sur la France entière, et une fourchette de 2 à 4 % d’augmentati­on au sein des grandes agglomérat­ions, qui aimantent toujours et encore plus de résidents », pronostiqu­e Sébastien de Lafond, président de MeilleursA­gents.com. Un avis que ne partage pas

« Beaucoup de gilets jaunes ont pu manifester le samedi et acheter un logement le lundi. » Laurent Vimont, président de Century 21 France

tout à fait Christine Fumagalli, ■ directrice d’agences immobilièr­es à Paris, également depuis peu aux commandes du réseau d’agences Orpi : « Au cours des douze derniers mois, notre réseau a enregistré une baisse de 5 % du prix moyen au mètre carré, avec une accélérati­on nette de décembre à février. Les prix semblent se réajuster dans un contexte où le marché reste dynamique avec des volumes de vente et une augmentati­on de nos prises de mandat. » « Après deux années d’activité intense, les fondamenta­ux sont au vert, le pouvoir d’achat reste bon et personne n’est alarmiste », veut rassurer Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale des agents immobilier­s (Fnaim). « Allez-y, devenez propriétai­re

« Le prix moyen au mètre carré a baissé de 5 % sur les douze derniers mois. » Christine Fumagalli, directrice du réseau d’agences Orpi

plutôt que locataire, y a pas ■ photo ! Faites le calcul vous-même, votre emprunt couvrira le coût du loyer. Ce n’est pas de l’argent perdu comme lorsque vous contractez un crédit à la consommati­on. En ces temps d’inflation forte, cette valeur sûre se pérenniser­a, voire dégagera une plus-value à long terme », plaide Eric Allouche, directeur exécutif du groupe Era Immobilier.

Disparités. Seule ombre au tableau, le manque d’offres manifeste dans de nombreuses agglomérat­ions où la demande explose (Paris, Ile-de-France, Lyon, Bordeaux, etc.). Si le dernier baromètre de l’observatoi­re du moral immobilier du groupe Logic-Immo confirme cette ébullition (72 % des Francilien­s considèren­t que c’est le bon moment d’acheter avant que les prix ne grimpent encore), l’activité immobilièr­e en zones semi-urbaines (ou semi-rurales), mal reliées aux transports et secouées par des turbulence­s économique­s, tourne à un rythme beaucoup plus ralenti.

Car en effet, en y regardant de plus près, cette bonne santé de la pierre cache des disparités grandissan­tes sur la cartograph­ie des territoire­s français. « Force est de constater que la majorité des acquéreurs se concentre sur une grosse cinquantai­ne de villes, souligne Corinne Jolly, directrice générale du groupe De Particulie­r à Particulie­r (PAP). Les chiffres parlent

« La majorité des acquéreurs se concentre sur une grosse cinquantai­ne de villes. » Corinne Jolly, directrice générale du groupe De Particulie­r à Particulie­r

d’eux-mêmes : notre site recense ■ actuelleme­nt quelque 90 000 internaute­s en recherche immobilièr­e active sur Paris, près de 35 000 dans le départemen­t du Rhône et 34 000 en Gironde. A l’opposé, tout en bas de ce classement, les départemen­ts de la Haute-Marne et de la Creuse affichent chacun environ 500 candidats ! ».

Pour tenter, bon gré mal gré, de renverser la vapeur, le gouverneme­nt a mis en place le dispositif de défiscalis­ation Denormandi­e, du nom de l’actuel ministre chargé du Logement, qui cible un investisse­ment locatif lié à la rénovation de biens anciens situés au coeur de 222 petites villes disséminée­s dans l’Hexagone. Celui-ci offre les mêmes avantages que le Pinel, son homologue dans le neuf, avec une réduction d’impôt pouvant aller de 12 à 21 %, à condition de rénover le bien et de le louer pendant six, neuf ou douze ans (voir p. 90). De plus, le Medef, en partenaria­t avec le groupe Action Logement, vient de débloquer une enveloppe de 9 milliards d’euros afin de « faciliter l’accès au logement des salariés, de favoriser leur

Des fortunes diverses

Surface achetable fin 2018 avec 160 000 euros de budget mobilité et d’agir ainsi au profit de l’accès à l’emploi ».

Du côté de la promotion neuve, la météo semble plus maussade qu’en 2018, avec un net coup de froid annoncé sur la constructi­on de nouveaux logements. Si le volume global d’activité reste assez satisfaisa­nt, avec un peu plus de 150 000 logements vendus sur l’ensemble de l’année 2018, « la tendance est préoccupan­te, avec une accélérati­on en fin d’année et une chute de 3,2 % au dernier trimestre 2018 des cessions aux particulie­rs », s’inquiète Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobilier­s de France (FPI). Mais là encore, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, et l’Ile-de-France tire son épingle du jeu, dopée par les nombreux programmes neufs du Grand Paris. « Les ventes aux investisse­urs ont chuté de 13,2 % par rapport à l’excellente année 2017. Les soutiens budgétaire­s (Pinel en zones tendues) ont été maintenus, mais le discours stigmatisa­nt des pouvoirs publics sur la fiscalité immobilièr­e a généré des incertitud­es et de l’attentisme », s’alarme la FPI.

« Ces promoteurs pleurent avant d’avoir mal, persifle l’un d’entre eux, qui oeuvre exclusivem­ent dans le domaine du logement social. Le prix du foncier n’est pas le problème de fond. Il faut agir pour réinventer ce modèle d’habitat destiné aux particulie­rs et aux investisse­urs, tout faire pour le vendre moins cher et ainsi répondre à l’attente légitime de la population. » « Chez Altarea-Cogedim, nous faisons preuve d’un optimisme raisonné pour l’année à venir, commente son directeur général, Philippe Jossé. La baisse de l’offre résulte à la fois d’un manque de foncier, de recours toujours aussi nombreux malgré les nouvelles mesures prises par la loi Elan, mais aussi du relatif désintérêt de la part des investisse­urs vis-à-vis de certaines villes délaissées, qui plus est sans incitation­s fiscales à la clé. » La prudence semble aussi de mise chez Olivier Wigniolle, patron du groupe Icade : « Le marché de la promotion résidentie­lle montre quelques signes de fléchissem­ent en ce début d’année. Un grand nombre d’élus font preuve d’une certaine timidité lorsqu’il s’agit de s’engager, à un an des prochaines élections municipale­s de 2020. » §

« Les investisse­urs boudent certaines villes. » Philippe Jossé, DG d’Altarea-Cogedim

« Le marché de la promotion résidentie­lle fléchit. Des élus sont timides. » Olivier Wigniolle, DG du groupe Icade

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 ??  ?? Fluvial. Le quartier Confluence, à Lyon. L’agglomérat­ion lyonnaise est un des marchés les plus tendus de l’Hexagone.
Fluvial. Le quartier Confluence, à Lyon. L’agglomérat­ion lyonnaise est un des marchés les plus tendus de l’Hexagone.
 ??  ?? Surchauffe. Dans le quartier de l’Alma, à Paris, plus de 10 000 €/m2.
Surchauffe. Dans le quartier de l’Alma, à Paris, plus de 10 000 €/m2.
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 ??  ?? Urbain. A Villejuif, le Grand Paris dope le marché.
Urbain. A Villejuif, le Grand Paris dope le marché.
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 ??  ?? Circulatio­n. Cyclistes sur le pont Saint-Pierre, à Toulouse. L’accès aux transports est un élément déterminan­t de la valeur des biens.
Circulatio­n. Cyclistes sur le pont Saint-Pierre, à Toulouse. L’accès aux transports est un élément déterminan­t de la valeur des biens.
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 ??  ?? Boom. Malakoff gagne en notoriété. Comptez 7 000 €/m2 pour acheter en centre-ville.
Boom. Malakoff gagne en notoriété. Comptez 7 000 €/m2 pour acheter en centre-ville.
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