Moi,Claude,empereur
Ou comment s’unir à Vénus pour accéder à l’immortalité…
Quatrième empereur romain, Claude régna de 41 à 54. Boiteux et bafouillant, ce natif de Lyon vécut sa courte vie (quarante-quatre ans) dans la terreur des complots ourdis par sa troisième femme, Messaline, et par Narcisse, son conseiller rouquin – avant qu’Agrippine, sa quatrième épouse, ne pousse contre lui Néron, qu’elle lui a demandé d’adopter, et le fasse empoisonner. Peint en homme malade de la dynastie julio-claudienne par Suétone et Tacite, il souffrait d’une timidité qui lui ôtait tout caractère impérial.
Ce falot avait déjà trouvé en Robert Graves un porte-voix secourable : « Moi, Claude », en 1934, avait réintroduit dans l’Histoire l’empereur parti se cacher quand on avait assassiné son prédécesseur Caligula. L’objectif de Damien Aubel est autre, ici. Décidé à s’unir à Vénus, la déesse de l’amour, afin d’accéder à l’immortalité, le césar décrié devient le vecteur d’une reconstitution en 3D de la Rome païenne et le vibrant sujet d’une rêverie en prose, à l’image de l’Héliogabale d’Antonin Artaud. Roi maudit d’une urbs grouillante de prostituées, où l’insatiable Messaline étrenne sa réputation d’ogresse et d’intrigante, Claude, l’avorton impérial, rêve de stupre et de lupanars. Avec une culture que ne renierait pas un Quignard et une démesure qui pourrait rappeler un Guyotat, Damien Aubel confirme avec ce joyau la virtuosité décadente que «Possessions», son premier roman, trahissait déjà ■
Damien Aubel, « Vénus s’en va »
(Inculte, 264 p., 18,90 €).