Le guide des études à l’étranger
Boudant le système éducatif français et conscients des avantages d’une formation internationale, les candidats à l’expatriation se multiplient.
Dylan, 25 ans, ne compte plus les demandes de son ancien lycée, Sainte-Croix de Neuilly, pour venir devant les élèves témoigner de son expérience universitaire. Il ne saurait davantage dire combien de futurs bacheliers, orientés par d’anciens professeurs, lui ont écrit des courriels pour bénéficier de ses conseils avisés. Pourtant quand, il y a sept ans, le bachelier frais émoulu décide de partir étudier la microtechnique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, c’est peu dire qu’on le « regarde de travers ». « On ne comprenait pas ce que j’allais faire là-bas », se souvient le diplômé d’un master en robotique. Difficile pour ses enseignants et ses camarades d’accepter que le major de promo de sa classe au baccalauréat avec 17,89 de moyenne délaisse les prestigieuses classes préparatoires parisiennes pour s’exiler dans une université encore peu connue des Français. D’ailleurs, si Dylan fait à l’époque figure de précurseur, ce n’est au départ pas entièrement de son plein gré. «Avec l’accord de mes enseignants, j’avais postulé dans de très bonnes prépas MPSI [mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur]. Mais à cause d’une moyenne mal retranscrite sur APB [ancien Parcoursup], je n’étais accepté dans aucune d’elles. Un choc ! » se souvient cet ex-terminale S. Dylan tente de faire corriger sa note, demande l’aide de son lycée pour qu’il appuie ses tentatives d’intégrer une prépa en rapport avec son niveau. Mais, au fil des difficultés, sa motivation devient peau
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En cinq ans, le nombre d’étudiants français partis étudier à l’international a bondi de presque 80 %.
de chagrin. « Cette péripétie a tout déclenché : je me ■ suis dit que je n’avais pas envie de passer mes années d’étudiant à gaspiller mon énergie dans ces futilités pour évoluer dans un système hiérarchisé, formaté et élitiste », estime-t-il. D’autant qu’un peu par hasard le jeune homme s’est aussi inscrit dans une université suisse, « à la va-vite, pour imiter un ami lassé du système français ! J’ai décidé d’y aller ». Une audace qui se banalise aujourd’hui chez les bacheliers français. « Après les Suisses, ils constituent la première population en licence. Avant, l’EPFL intéressait ceux qui n’avaient pas les prépas escomptées. Aujourd’hui, elle n’est plus un choix par défaut. Elle a d’ailleurs dû élever ses critères d’admission : il faut désormais avoir une mention très bien pour y entrer. »
L’école helvétique n’est pas la seule à être dopée par son succès. Les étudiants français sont de plus en plus nombreux à bouder l’enseignement supérieur national pour s’expatrier dans l’une des nombreuses contrées qui « La France est désormais
leureouvrent grand les bras. le 6 pays du monde en mobilité sortante d’étudiants, non loin du trio de tête constitué par la Chine, l’Inde et l’Allemagne », précise Florent Bonaventure, directeur de la communication et des études chez Campus France, chargé en France de la mobilité internationale.
Un phénomène qui connaît une véritable accélération ces dernières années: entre 2011 et 2016, le nombre d’étudiants français partis étudier à l’international a bondi de presque 80 %. Désormais, ils sont plus de 90 000 à suivre un cursus complet hors de nos frontières, piochant au gré de leurs envies dans un marché éducatif devenu mondial, où la concurrence
« La France est le 6e pays du monde en mobilité sortante d’étudiants, après la Chine, l’Inde et l’Allemagne. » Florent Bonaventure (Campus France)
s’intensifie. Preuve en est l’explosion du nombre de programmes entièrement anglophones dans un nombre croissant de pays, pour attirer les meilleures têtes pensantes des quatre coins du monde. « Depuis cinq ans, l’idée de faire ses études à l’étranger se démocratise : en entrant dans le champ des possibles dans l’esprit des élèves et des parents, elle prend une vraie ampleur. Il n’y a qu’à voir le nombre de voeux qui envisagent un départ dans les conseils de classe de terminale pour s’en convaincre », considère Yvan Couallier, chargé de mission Euroguidance, qui s’occupe de l’orientation en Europe pour l’Onisep. Et ces migrations étudiantes commencent de plus en plus tôt, puisque les jeunes Français s’expatrient dorénavant dès le bac en poche. Selon Campus France, 15 000 à 20 000 seraient concernés.
Si aucun pays n’échappe à cet engouement grandissant, certains sont particulièrement prisés. « La mobilité s’effectue d’abord dans les pays francophones », assure Florent Bonaventure. En 5e position il y a huit ans, la Belgique a vu les cohortes de Français bondir de 212 % en cinq ans ! Elle constitue leur principale terre d’accueil, talonnée par le Canada. A eux seuls, les deux pays rassemblent un tiers des nomades du supérieur (32 459 Français). Tandis que l’Angleterre et la Suisse restent des valeurs sûres, l’Allemagne connaît un attrait croissant, accueillant désormais environ 7 000 Français. En perte de vitesse, le rêve américain est toujours d’actualité puisque presque 6 500 Français étudient aux Etats-Unis.
Valorisation. Avec l’envie d’« aller voir ailleurs » depuis ses 12 ans, Anne-Ysore, 20 ans, s’est vite tournée vers le Canada. « Bien que la majorité de mes camarades aient choisi une prépa littéraire ou une double licence, pour moi la France n’a jamais vraiment été une option : je trouvais l’environnement parisien stressant», raconte l’ancienne élève de terminale L à Condorcet, à Paris. « J’avais envie d’un pays anglophone, mais la Grande-Bretagne me paraissait trop proche et les Etats-Unis trop chers », résume l’étudiante en 3e année de licence d’anthropologie. Sans compter que la criminologie, qu’elle souhaite au départ étudier, inaccessible en France en première année – «Il faut attendre le master et faire beaucoup de sciences » –, est proposée à l’université de Toronto. Finalement séduite par McGill, « plus abordable financièrement et prestigieuse », Anne-Ysore s’oriente vers la sociologie. « C’était proche de mon premier voeu et bien plus valorisé qu’en France », estime-t-elle.
Aspirants médecins et autres kinés désireux de suivre une formation plus accessible en Belgique, futurs managers en quête d’un cursus en management britannique plus reconnu à l’international que beaucoup de ses équivalents français, scientifiques convoitant une spécialisation de pointe dès la première année en intelligence artificielle aux Etats-Unis, jeunes gens avides de s’ouvrir à la culture sud-américaine en maîtrisant l’espagnol, récents bacheliers à la recherche de combinaisons arts plastiques-sciences politiques en Irlande, les destinations et les motivations sont multiples. Sans compter que, depuis quelques
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