Littérature : interview de Jean-Paul Dubois, Prix Goncourt 2019
Prix Goncourt 2019, Jean-Paul Dubois nous raconte ses méthodes.
Heureuse nouvelle : le prix Goncourt revient cette année à l’un de nos plus merveilleux écrivains, Jean-Paul Dubois, pour « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon », publié aux Editions de l’Olivier. L’histoire d’un gardien d’immeuble démesurément dévoué à ses semblables, fils d’un pasteur et d’une mère à la beauté spectaculaire. Dès le début du roman, Dubois l’expédie en prison en vertu d’un enchaînement de faits dont le lecteur saisira peu à peu les maillons. On retrouve ici ce qui fait le charme fou de l’auteur du « Cas Sneijder » (un autre de ses plus beaux livres): un désespoir qui a l’élégance de se dire en sourdine et avec un humour irrésistible, une tendresse folle pour l’humanité, des personnages qui vous arrachent des sourires aussi bien que le coeur. L’art de Dubois, c’est de multiplier les digressions savoureuses et les événements incongrus, tout en menant son récit à son terme avec une précision implacable. Tout cela grâce à une méthode d’écriture immuable, qu’il nous raconte. Rencontre
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Le Point: Comment naissent vos personnages? Jean-Paul Dubois:
J’ai très peu d’imagination, j’ai toujours besoin de me raccrocher à des êtres que
mes vingt-cinq ans à L’Observateur, je n’ai rencontré que des gens bizarres, qui étaient en eux-mêmes des personnages de roman. J’ai aussi une collection de pourris uniques ! Dans le roman, il y a un type qui calcule le prix des morts, le dédommagement dû par les assurances aux proches après un décès, et je l’ai rencontré…
Justement, pourquoi le journalisme?
J’ai toujours été de la nuit. Je ne pouvais pas travailler parce qu’il aurait fallu me lever le matin. Je suis donc devenu journaliste, qui à l’époque était un métier où l’on pouvait se permettre beaucoup de libertés. Mais moins vous avez de contraintes, moins vous en supportez. Quel métier exigeait encore moins de contraintes qu’être journaliste ? Ecrivain. Je me suis dit que j’allais faire un livre tous les ans et qu’on verrait bien. C’était mon loto sportif. A ma grande surprise, le premier, « Eloge du gaucher », a été un succès énorme. Après, c’est retombé pendant dix ans. Et puis, un jour, ça a marché…
Après une vingtaine de livres, êtes-vous confiant quand vous abordez une page blanche?
Non, j’ai toujours la crainte de ne pas y arriver. C’est seulement à la page 100 que je me dis « tu vas y arriver ». La joie est énorme quand c’est plié. Souvent, je pleure quand j’ai terminé. Comme un sportif vidé
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« Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon », de Jean-Paul Dubois (Editions de l’Olivier, 256 p., 19 €).