Littérature : Cioran, esprit frappeur
Deux inédits du maître en pessimisme radical ont été découverts. Extraits en avant-première.
Il est de retour ! Cioran, chantre du pessimisme acerbe, moraliste grinçant et nihiliste en chef, resurgit sous la forme de deux inédits : « Divagations » et « Fenêtre sur le Rien ». Deux textes écrits en roumain (avant qu’il n’adopte définitivement le français), datant vraisemblablement du début des années 1940, à Paris, au cours d’une intense période d’écriture et de doute, qui les lui fit laisser inachevés. Dans ces aphorismes vengeurs et élégants, on trouve déjà en germe tout ce qui fera la beauté noire de ses écrits majeurs, dont « Le précis de décomposition » : fulgurances poétiques et pessimisme radical pour vitupérer tour à tour l’existence, Dieu ou autrui. Ses obsessions sont là, de l’ennui à la tentation du suicide. « Il s’agit ici d’une traversée du néant sur le seul radeau du moi », résume son traducteur Nicolas Cavaillès. Mais dans une langue revigorante par son énergie cinglante
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« Divagations » (144 p., 12,50 €) et « Fenêtre sur le rien » (252 p., 13,50 €), de Cioran (Gallimard, collection « Arcades », édition et traduction du roumain de Nicolas Cavaillès). A paraître le 14 novembre.
« Certaines après-midi ont quelque chose de la tristesse
d’un meurtre manqué. » « La nostalgie est la forme la plus douce de notre aliénation mentale, de notre tendance à concevoir un autre monde. » « Les pensées devraient avoir la perfection impassible des eaux mortes ou la concision fatale de la foudre. » « D’un individu, l’ennemi le plus acharné est sa propre âme. Dans ce combat pour la vie ou la mort, il existe toutefois une consolation : on finit par perdre cet adversaire. » « Chacune de mes pensées est un gant jeté à l’adresse de l’univers. » « Qu’est-ce que l’âme ? Tout ce qui en nous refuse de participer au monde. » « Mon destin est de devenir un héros du vide intérieur. » « Le romantisme fut un heureux mélange de laudanum, d’exil et de tuberculose. » « Les idées, les choses ou les gens ne m’attirent que par leur degré d’impossibilité. »