Le Point

Jean-Paul Goude serait-il jugé raciste aujourd’hui ? par Sébastien Le Fol

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

Ceux qui ne sont pas encore convaincus des ravages du rétrécisse­ment identitair­e, du communauta­risme et de la repentance à tous crins doivent lire l’entretien édifiant du créateur Jean-Paul Goude, 78 ans, accordé à Michel Guerrin dans Le Monde (1er-2 novembre). L’artiste foisonnant, esthète du métissage, a toujours été attiré par d’autres cultures que la sienne. « Depuis tout petit, raconte-t-il, je suis aimanté par le rythme noir, par la danse et la transe. » Goude aime transforme­r les identités, les transcende­r. Le défilé qu’il a conçu le 14 juillet 1989, pour le bicentenai­re de la Révolution française, témoigne de son goût de l’autre, de sa passion multicultu­raliste : « La Marseillai­se » chantée par Jessye Norman, le char africain, Les

Tambours du Bronx… « Je ne crois pas que ce défilé serait encore possible aujourd’hui, affirme Jean-Paul Goude (…) Etre blanc et évoquer la culture noire, par exemple la citer, voire me l’approprier, fait de moi une cible. » Son constat est accablant : « Toute communauté qui se considère comme minoritair­e et opprimée refuse à l’homme blanc, perçu par elle comme dominant et oppresseur, de s’approprier ses codes. Chacun cultive l’entre-soi : les Noirs avec les Noirs, les femmes avec les femmes, etc. C’est grave pour la liberté de tous. » Goude raconte le

« cauchemar » qu’est à ses yeux « la vulgate autour de l’appropriat­ion culturelle, le blackface, le décolonial­isme ». Il fustige l’anachronis­me imposé par de « nouveaux inquisiteu­rs », qui considèren­t l’art « non plus sous l’angle esthétique ou culturel, mais communauta­ire ». Selon les normes de ces censeurs, bon nombre de ses images et mises en scène antiracist­es passeraien­t pour racistes aujourd’hui. Un comble ! Goude vise ici la situation aux Etats-Unis ; en France, le concept d’appropriat­ion culturelle reste le fait de mouvements très minoritair­es. Néanmoins, la parole du créateur vaut avertissem­ent. Pour lui, ce mouvement semble irréversib­le : « Le raisonneme­nt binaire va s’imposer. » Nous entrons dans un monde d’où sont peu à peu bannis l’ironie, le second degré, l’imprévu, l’ambiguïté. Ce n’est pas un réactionna­ire qui le tonne, mais une icône vibrionnan­te des années Lang

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