Le Point

Hôpitaux, retraites : ils naviguent à vue

Pendant longtemps, l’exécutif a alimenté la défiance… avant de donner l’impression de capituler.

- PAR MARC VIGNAUD

Le président et son Premier ministre ont désormais le pied sur le frein des réformes. Sur nombre de sujets, ils sont prêts à lâcher du lest pour calmer la rue. Ils ont pourtant eux-mêmes contribué à alimenter la contestati­on pendant des mois. Le cas des retraites est particuliè­rement frappant. En mars dernier, ils avaient laissé plusieurs ministres évoquer un recul de l’âge légal de départ, en totale contradict­ion avec la promesse de campagne du chef de l’Etat de le maintenir à 62 ans. « On ne voit pas pourquoi il y aurait des sujets tabous en France. De quel droit ? » se justifiait alors l’entourage du Premier ministre. Le tollé est immédiat dans la majorité, qui craint de brouiller le message de la réforme. L’offensive sur l’âge de départ prend surtout à contre-pied Jean-Paul Delevoye, le haut-commissair­e chargé de la délicate concertati­on avec les partenaire­s sociaux. Depuis plusieurs mois, ce chiraquien bon teint essayait de se concilier une CFDT défavorabl­e à toute augmentati­on de l’âge de départ. «Il l’avait mauvaise, il était à deux doigts de poser sa dem », se souvient un syndicalis­te. Sous pression, le haut-commissair­e finit par accepter l’idée d’un âge pivot à 64 ans, avec une décote de 5 % par an de 62 à 64 ans. C’est cet arbitrage, imposé par le plus haut sommet de l’Etat, qui est privilégié dans son rapport de juillet 2019, au risque de braquer le secrétaire général du syndicat réformiste, Laurent Berger. C’était sans compter le revirement d’Emmanuel Macron. Auréolé de ses succès au G7 de Biarritz, le chef de l’Etat change de stratégie sans crier gare. « Je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation », annonce-t-il pour tenter de rallier la CFDT, seul grand syndicat susceptibl­e de soutenir sa réforme. Après avoir défendu une ligne ferme, le duo de l’exécutif enclenche la marche arrière. Emmanuel Macron et Edouard Philippe envisagent désormais publiqueme­nt la possibilit­é de ne faire basculer vers le nouveau système que les nouveaux entrants sur le marché du travail

conditions de travail s’étend progressiv­ement à d’autres services que les urgences.

En septembre, la promesse de 750 millions d’ici à 2022 pour soulager les urgences échoue à faire retomber la pression. Lors de la présentati­on du projet de budget de la Sécurité sociale de 2020, l’augmentati­on des dépenses visée pour les hôpitaux plafonne à 2,1 %. C’est moins que l’enveloppe accordée à la médecine de ville (+2,4 %) ! Un chiffre brandi par les grévistes comme un symbole du manque supposé de considérat­ion du pouvoir pour l’hôpital. Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, a gagné son arbitrage contre Agnès Buzyn. « La ministre et moi sentions un niveau d’agacement élevé. On a alerté. Il aurait mieux valu lâcher un peu avant. Maintenant, ça va coûter beaucoup plus cher », déplore Olivier Véran, rapporteur général de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée et médecin neurologue hospitalie­r, tout en soulignant les contrainte­s budgétaire­s après les 17 milliards concédés aux gilets jaunes. Cet avantage donné à la médecine de ville est alors justifié par la nécessité de solliciter davantage cette dernière, justement pour soulager les urgences, dans le cadre de la réforme structurel­le de l’organisati­on du système de soins, « Ma santé 2022 », présentée en 2018. Sauf que ce plan mettra des années à faire sentir ses résultats… A l’Assemblée, même la majorité réclame davantage de moyens. Sans succès. Le Collectif Inter-Hôpitaux, apparu début septembre, appelle à la grève le 14 novembre. Un mouvement réussi qui, à l’approche de la mobilisati­on du 5 décembre dans les transports contre la réforme des retraites, ne pouvait rester sans réponse. A moins de prendre le risque de voir les différents mouvements s’agréger. Le jour même, Emmanuel Macron promet un grand plan pour l’hôpital depuis Epernay, dans la Marne. Quitte à donner l’impression de naviguer à vue et de céder à la rue

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Tandem. Emmanuel Macron et Edouard Philippe aux cérémonies du 11 Novembre, à Paris.

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