Le syndrome Linky
Le phénomène qui consiste à priver de parole ceux dont l’opinion déplaît dépasse largement le cadre de l’Université. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la virulence des réactions lors des tentatives de réunions publiques sur le compteur Linky ou l’impossibilité de mener certains débats pourtant organisés par la Commission nationale du débat public. A ce propos, Jean Bergougnoux conserve un souvenir ému de l’impossible débat qu’il avait tenté de mener sur les nanotechnologies en 2009 : « Le débat public avait été phagocyté par des opposants qui ne cherchaient pas à argumenter, mais simplement à organiser le chahut. Entre les libertaires convaincus et les transhumanistes qui ne voyaient pas d’inconvénient à implanter une âme humaine dans des machines, le débat était impossible à tenir. » critères une parole est-elle considérée comme acceptable ? « On n’a pas de liste, ça dépend. Ce serait à l’université de décider ce qui est légitime ou non, et, finalement, nous venons pallier ses manquements. »
Y aurait-il une gêne, un tabou dans l’université française? « Les cas médiatisés ne sont que la partie émergée de l’iceberg», assure Morgane Daury, professeure de droit à Amiens et autrice d’un appel à protéger la liberté d’expression parue le 13 novembre dans Le Figaro. « Depuis deux ou trois ans, le phénomène s’amplifie. Moi-même je l’ai vécu dans mon université, qui est pourtant assez tranquille. J’avais organisé une conférence sur l’affaire Jacqueline Sauvage et sur les questions de droit qu’elle soulevait : la présomption de légitime défense, par exemple, ou le droit de grâce présidentiel. Nous avons été contraints d’annuler la discussion. Ces gens-là sont peu nombreux, mais parfaitement capables d’empêcher une parole de se tenir. » A quoi s’ajoute une autocensure des professeurs eux-mêmes qui finissent par éviter certains sujets dont ils savent d’avance qu’ils provoqueront l’émoi. « A l’université, la parole est, comme partout ailleurs, en train d’être surveillée et de se surveiller elle-même », déplore un professeur de philosophie.
Menaces. Chez les étudiants non plus, il ne fait pas bon s’opposer aux courants dominants. Eliott Savy en sait quelque chose. Cet étudiant de Lyon-2, qui s’est opposé aux « dérives idéologiques omniprésentes » de sa fac, a fait l’objet de menaces et de tags appelant à le « grand-remplacer ». «J’ai simplement raconté comment l’administration avait ouvertement pris position en faveur des migrants en banalisant les cours et en incitant à aller manifester devant la préfecture. » Pour le sociologue Gérald Bronner, spécialiste de la pensée extrême et des radicalités, ces entraves à la liberté d’expression sont « marginales mais stratégiques. On justifie le recours à la violence physique au nom de la violence symbolique que l’on subirait. Cette défense idéologique commune aux extrêmes ouvre la porte à la justification des violences physiques ». L’un des traits
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