Le Point

Francesca Colombo : « Ailleurs aussi, on demande plus de moyens »

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS MALYE ET JÉRÔME VINCENT

Le Point: Vous êtes italienne, avez-vous déjà eu l’occasion de vous faire soigner en France, vous-même ou l’un de vos proches?

Francesca Colombo:

Oui, ma première expérience a été celle de la médecine générale, pour un banal mal de gorge. Je suis sortie sans plus d’examen avec une ordonnance d’antibiotiq­ues. J’ai aussi été suivie pendant ma première grossesse, délicate, et j’ai accouché dans un service de pointe d’un grand hôpital parisien. J’avais peur de perdre mon bébé. Tout s’est finalement bien passé. De même pour mes deux autres enfants. Grande qualité médicale ! Ma seule surprise, lors de ces hospitalis­ations, a été la tendance à refaire des examens sanguins déjà prescrits.

Les urgences hospitaliè­res françaises sont en crise et en grève depuis plusieurs mois. Qu’est-ce que cela révèle?

Oui et non. Il n’y a pas qu’en France qu’on demande plus de moyens. Partout dans nos pays, la santé est une priorité. Dans nos démocratie­s, si c’est ce que les peuples veulent, c’est donc justifié. A-t-on assez d’argent, c’est ça la difficulté ! Utilise-t-on les ressources dont nous disposons de la meilleure façon ? Comment réduire les gaspillage­s chiffrés dans tous les pays de l’OCDE à 20 % des dépenses ? Donc, il y a un besoin d’efficience. La caricature, ce sont les Etats-Unis, numéro un des dépenses pour des résultats très moyens. La France doit trouver sa propre voie.

Francesca Colombo Chef de la division santé de l’OCDE.

Ces services sont sous pression dans plusieurs pays. Cela révèle que les choses pourraient être mieux gérées avant que les gens arrivent à l’hôpital. Les Pays-Bas ont mis en place des centres ambulatoir­es ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les pays nordiques disposent d’unités intermédia­ires entre un cabinet médical et l’hôpital, avec un petit nombre de lits, pour éviter des admissions classiques. C’est par ces moyens qu’on peut alléger la pression pesant sur les urgences. J’ai beaucoup de sympathie pour les personnels des services d’urgence en France, il faut les aider et s’assurer qu’ils sont en nombre suffisant. Même avec les nouvelles technologi­es, la santé est et restera un secteur fortement dépendant des ressources humaines. Il faudra plus de médecins, d’infirmiers et d’aides-soignants à l’avenir pour faire face aux besoins et bien soigner.

Améliorer le système de santé français passe-t-il obligatoir­ement par une augmentati­on des moyens, ce qui est toujours revendiqué chez nous? Au-delà de ce que mesure l’OCDE dans son Panorama de la santé, identifiez-vous des défauts majeurs dans le système de soins français?

Oui, sur la prise en charge des personnes très âgées, dépendante­s. La France a des dispositif­s, comme l’allocation personnali­sée d’autonomie (Apa), bien formatés, indexés sur le revenu et l’état médico-social de la personne. Mais le reste à charge reste très important. Les moyens alloués sont faibles. La France doit régler son problème de financemen­t de la dépendance

« La caricature, ce sont les Etats-Unis, numéro un des dépenses pour des résultats très moyens. »

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