A Futurapolis, le futur était en avance
Tous les enseignements de notre grand forum consacré aux nouvelles technologies.
Le temps d’un week-end, l’effervescence s’est emparée de la Ville rose. Pour la huitième édition de Futurapolis, Le Point avait donné rendez-vous aux Toulousains et aux passionnés de nouvelles technologies pour assister et participer à deux jours de conférences, débats et ateliers autour des innovations. Pour son édition 2019,
Futurapolis, organisé en partenariat avec Toulouse Métropole et la région Occitanie, a ainsi choisi de questionner nos modes de vie, à travers différentes tables rondes qui confrontaient plusieurs visions de l’avenir de l’innovation et du progrès et abordaient les grands sujets de société: neurosciences, infox, taxe sur les Gafam, place d’Internet ou de l’intelligence artificielle dans nos vies…
Du chercheur américain Evgeny Morozov au Prix Nobel d’économie Jean Tirole, en passant par l’écrivain Alain Damasio, d’éminentes personnalités du monde de la science ont pris part à l’événement, devenu incontournable en Occitanie. Un forum au casting séduisant qui a enregistré une augmentation du nombre de ses visiteurs de 56 %.
Entre le Quai des savoirs et le Muséum, une centaine de philosophes, de chercheurs, d’ingénieurs et d’entrepreneurs s’étaient réunis afin d’interroger nos modes de vie. Parallèlement aux grandes conférences, Futurapolis proposait également aux visiteurs curieux des expériences innovantes sur les différents stands du Lab. Enfin, les professionnels se sont retrouvés lors de la Factory, la soirée événement de Futurapolis consacrée à la transformation numérique des entreprises, et les étudiants ont pris part à Futurapossibles, le grand concours d’innovation interétudiants ouvert aux grandes écoles de la région Occi
tanie. Dans la Ville rose, « terre d’innovations », selon François Chollet, adjoint au maire de Toulouse et vice-président de Toulouse Métropole, l’avenir est en avance.
Le chercheur et essayiste américain d’origine biélorusse Evgeny Morozov, invité vedette de cette huitième édition et féroce critique de l’activité des Gafam, a prôné un retour fort du politique et refusé la croyance selon laquelle le tout-technologique pourra résoudre l’ensemble des problèmes
Le Prix Nobel Jean Tirole s’est prêté au jeu des questions-réponses avec des étudiants.
sociaux, environnementaux et politiques. Il s’est inquiété également de la valorisation excessive de quelques géants de la nouvelle économie : « Ce n’est pas un modèle durable que de laisser des entreprises comme Uber perdre des millions tous les ans, simplement parce qu’elles ont réussi à convaincre des investisseurs très riches. »
« Décarboner l’économie ». L’auteur de science-fiction Alain Damasio a expliqué de son côté que les Gafam constituent une aberration sociale et écologique : « Chaque fois qu’Amazon crée un emploi, il en tue deux. C’est aussi une machine de destruction des librairies. » Et de lancer un cri d’alarme à ses lecteurs : « Arrêtez de détruire vos propres commerces, votre propre vie, tout ça pour recevoir un bouquin en vingt-quatre heures ! Ecologiquement et socialement, c’est une aberration ! »
Prix Nobel d’économie 2014, président honoraire de la Fondation Jean-Jacques Laffont-Toulouse School of Economics et président de l’Institute for Advanced Study on Toulouse, Jean Tirole a accepté de se prêter au jeu des questionsréponses avec des étudiants toulousains, exercice au cours duquel il a notamment critiqué la réaction du gouvernement à la crise des gilets jaunes : « On aurait pu faire un chèque énergie ou un chèque environnement, en appliquant la taxe carbone à chaque individu, les plus pauvres y auraient gagné », explique-t-il. « Il y a beaucoup de gens dans le monde qui nous font croire que ça ne va rien coûter de décarboner l’économie, poursuit-il. (…) Quand on est économiste, je pense qu’il faut avoir le courage de dire que, oui, ça va peut-être nous coûter 5 % du PIB ou plus d’ailleurs, mais ça les vaut bien pour sauver la planète. Le pire, c’est que plus on attend, plus ça va coûter cher ! »
Mais l’innovation permet souvent de résoudre bien des problèmes de notre temps. Partage intelligent de l’eau potable pour éviter les situations de crise, émergence du modèle de ville durable, promesses de la médecine régénérative ou encore assistance à la justice et à la police, les avancées technologiques révolutionnent nos modes de vie et se révèlent attrayantes lorsqu’elles sont au service des citoyens. Toutefois, c’est sans doute Tariq Krim, pionnier du Web et fondateur de Dissident. ai, qui a résumé le mieux les interrogations que chacun se pose devant la prolifération des nouvelles technologies : « On est entré dans un monde qu’on ne comprend plus. »
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