Sika, le trésor de guerre
En 2014, SaintGobain rachète à la famille Burkard ses 16,1 % du capital de l’entreprise suisse Sika (isolation, colles, étanchéité…), qui lui donnent plus de 50 % des droits de vote. Le conseil d’administration et certains actionnaires, dont la fondation Bill Gates, s’opposent à cette prise de contrôle rampante. Un armistice est conclu en mai 2018 : SaintGobain réduit sa participation à 10,75 %, s’engage à la conserver pendant deux ans, à ne pas l’accroître pendant deux ans supplémentaires et à ne pas aller au-delà de 12,875 % pendant deux autres années. La plus-value latente est de plus de 1 milliard d’euros. Pour la déboucler, il faudrait sortir de Sika, ce qui n’est pas encore à l’ordre du jour. 1,3 milliard d’euros, acquisition la plus importante de l’ère Chalendar. « Je suis admiratif de la mise en oeuvre », déclare Senard, persuadé qu’avec ce plan le groupe tient son renouveau. Miracle, depuis plusieurs semaines l’action bouge !
« Saint-Gobain est en train de passer à la vitesse supérieure », se réjouit un ancien de la maison. Deux sujets sensibles demeurent pourtant sur la table. Que faire de Pont-à-Mousson, ancien géant des canalisations devenu un nain par rapport à ses concurrents chinois et indiens? L’idée serait, dans un premier temps, d’adosser l’entreprise à des investisseurs étrangers, vraisemblablement chinois, puis, mais ce n’est pas officiel, de tout leur céder ensuite. Le sujet est sensible, les trois sites de production, qui emploient 2 000 personnes, sont un bout de Lorraine. Autre question, faut-il conserver la distribution ? Le groupe s’en sépare là où il n’a pas de positions assez solides, comme en Allemagne, en Argentine ou dans les pays de l’Est… Et se renforce là où il domine, comme en France ou dans les pays nordiques. Donc, il reste dans la distribution. « C’est ridicule, s’insurge un banquier parisien, c’est comme si Schneider ou Legrand avaient ouvert des magasins. » « A l’heure de la digitalisation, cela permet de mieux comprendre le client, ça vous met dans le marché », rétorque Senard. « Cela renforce, souligne Bazin, l’intimité avec nos clients que sont les milliers d’artisans du bâtiment. »
Le client, nouveau mantra du groupe. Quand on lui parle de céder des actifs, Chalendar sourit : « Les analystes veulent toujours vendre le métier qui n’a pas réussi l’année d’avant. Si je les avais écoutés, j’aurais vendu chaque métier au moins deux fois depuis dix ans. Notre diversité est aussi notre force. » Il s’en tient à ce qu’avait dit Jean-Louis Beffa lors de la transmission de relais, il y a une dizaine d’années: « Vous êtes le maillon d’une chaîne, votre objectif, c’est de transmettre SaintGobain à votre successeur en meilleur état que vous l’avez reçu. » D’où, sans doute, son aversion à bouger les frontières du royaume…
■