Le Point

Venimeux

★★★★☆

-

Paul et Myriam (excellents Antoine Reinartz et Leïla Bekhti), couple de bobos parisiens, sont à la recherche de la perle rare pour garder leurs deux enfants en bas âge. Dévouée, conscienci­euse, expériment­ée, Louise, nounou « parfaite » (terrifiant­e Karin Viard), envahit la vie de la petite famille jusqu’à l’inimaginab­le. Construit comme un thriller en huis clos, le film de la jeune cinéaste Lucie Borleteau va au-delà de l’atrocité du fait divers et dissèque au scalpel la lutte des classes dans la société contempora­ine. Il y a du Hitchcock, du Genet, du Chabrol dans cette « Chanson » pas si douce… Horrifique et brillant à la fois.

« Chanson douce », en salles le 27 novembre.

Viard est accro au travail, en veut toujours ■ plus. «J’ai vécu en sous-régime pendant toute ma jeunesse, comme un lion en cage. Donc j’ai beaucoup d’énergie à revendre.» Après la séparation de ses parents lorsqu’elle avait 5 ans, Karin Viard est en effet confiée à ses grands-parents maternels. Elle grandit du côté de Rouen, dans une ambiance « maison de retraite » bercée par Luis Mariano et Annie Cordy, passe ses dimanches en compagnie de Jacques Martin et enchaîne les soirées diapo entre voisins et les opérettes à la télévision. Le foyer n’a rien d’austère, on y rit beaucoup. Le grand-père, qui avait été tapissierd­écorateur de théâtre, avait fait de l’appartemen­t un décor kitschissi­me dont elle se souvient avec tendresse. « Mon enfance m’a donné une liberté de pensée assez rare. Elle me pose aussi des problèmes : j’ai été follement aimée, mais pas éduquée. Résultat, je suis sans filtre, j’ai une grande sauvagerie en moi. » On dirait même une forme d’hyperactiv­ité. Elle vit tambour battant, se recharge dans le mouvement, dépérit si on lui impose le repos, peut suivre parfaiteme­nt plusieurs conversati­ons en même temps, doit faire deux choses à la fois pour être vraiment concentrée et s’interdit d’entrer dans un casino de peur de tout flamber en quelques heures. « J’ai toujours ce besoin de remplir le vide. J’ai été longtemps boulimique. Aujourd’hui, j’ai remplacé la nourriture par le cinéma. C’est mieux, non ? »

« Emprise ». Pour canaliser son énergie, Karin Viard s’est mise à la barre au sol. « J’ai essayé le yoga, mais ça m’emmerde. Tenir la même pose pendant plusieurs minutes est d’un ennui ! » Elle écoute aussi beaucoup de musique, échange ses derniers coups de coeur avec ses filles, Marguerite (19 ans) et Simone (21 ans), regarde des séries depuis qu’elle a « un nouvel amoureux » dans sa vie. « Récemment, j’ai adoré “Wild Wild Country”, la série documentai­re Netflix qui raconte l’implantati­on de la secte du gourou indien Bhagwan Shree Rajneesh aux Etats-Unis. C’est un travail fascinant sur l’emprise. » En parlant d’emprise, elle s’apprête à revenir à la nounou de «Chanson douce» puis s’assombrit, prise d’un doute : « Vous recommande­riez le film ? Je veux dire, même si c’est dur ? » Avant de répondre, subitement sûre d’elle : « C’est une question idiote. Si on n’allait au cinéma que pour voir des choses joyeuses… »

 ??  ??
 ??  ?? Haute tension.
Karin Viard joue Louise, une nounou troublante : « On sent bien qu’elle a un problème de thermostat », dit l’actrice. Ci-contre, en bas, avec Antoine Reinartz (Paul) et Leïla Bekhti (Myriam), les parents des deux enfants.
Haute tension. Karin Viard joue Louise, une nounou troublante : « On sent bien qu’elle a un problème de thermostat », dit l’actrice. Ci-contre, en bas, avec Antoine Reinartz (Paul) et Leïla Bekhti (Myriam), les parents des deux enfants.

Newspapers in French

Newspapers from France