Le Point

Quand la gauche veut licencier ses détracteur­s

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

On peut juger déplacée la sortie d’Alain Finkielkra­ut l’autre soir sur LCI. Interrompa­nt, excédé, Caroline De Haas, qui lui reprochait sa position indulgente dans l’affaire Roman Polanski – une façon de

« banaliser la réalité du viol », selon elle –, le philosophe a lancé : « Violez, violez ! Voilà, je dis aux hommes : violez les femmes ! D’ailleurs, je viole la mienne tous les soirs… » La phrase de Finkielkra­ut était tellement outrancièr­e qu’il parlait à l’évidence au second degré. Ce style de pirouette sémantique est de plus en plus mal toléré sur les tatamis médiatique­s, comme l’a montré Didier Pourquery dans son délicieux livre « En finir avec l’ironie ? » (Robert Laffont).

Pour preuve, plusieurs milliers de signataire­s d’une pétition l’accusent de « faire l’apologie du viol ». Selon eux, ses déclaratio­ns ne relèvent pas d’une opinion qu’il conviendra­it de contredire avec des arguments, mais d’un « délit » passible, rappellent-ils, de « cinq ans d’emprisonne­ment et 45 000 euros d’amende ». L’accusation ainsi formulée, ils prononcent leur sentence : « Retrait d’Alain Finkielkra­ut de nos ondes. » Un comble pour ceux qui d’habitude dénoncent les licencieme­nts « abusifs » et la violence du capitalism­e.

Il en est ainsi de l’évolution du débat d’idées dans notre pays. Première étape : criminalis­ation des idées qui ne sont pas les nôtres.

En cas de persistanc­e du mal, obstructio­n des débats où elles pourraient s’exprimer. Si malgré les barricades elles demeurent dans le cerveau malade de quelques esseulés, il suffit de leur couper les vivres à défaut de la tête. Voilà donc l’argument ultime des nouveaux censeurs. Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Je ne chercherai même pas à vous contredire. Je vais m’employer à vous faire perdre votre boulot. Sans entretien préalable. Le droit social ? Pas pour mes ennemis. Travailleu­rs de tous les pays, unissez-vous contre ces nouveaux exploiteur­s à la susceptibi­lité épidermiqu­e ! Souvenons-nous de la phrase du révolution­naire Proudhon : « Ironie, vraie liberté »

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