M. Martinez, le roi du cul par-dessus tête
A force de rouler leur meule sur la France, l’ignorance et la mauvaise foi finiront-elles par la décerveler pour de bon? Observez-la. Elle ne sait pas toujours bien où elle va mais elle y va, comme un canard sans tête. Ces jours-ci, avant le barnum social du 5 décembre, elle semble même avoir perdu ses derniers repères.
Championne du monde de la redistribution et des dépenses publiques, la France bat tous les records en matière de pessimisme, devant… l’Irak et le Bangladesh. Rongé par le misérabilisme et le ressentiment, notre pays paraît n’avoir d’oreille que pour la secte apocalyptique qui, sur à peu près tous les sujets, veut lui faire prendre des vessies pour des lanternes.
M. Martinez, le secrétaire général de la CGT, incarne bien cette France-là, crypto-frontiste, ultra-individualiste, nourrie à la pensée magique, qui nous raconte tout à l’envers, les travailleurs les plus protégés étant toujours présentés comme les grandes victimes du système, aux dépens de ceux qui souffrent le plus : les paysans, les petits commerçants, tous les vrais damnés de la terre.
C’est le grand renversement des valeurs, l’ère du cul par-dessus tête : après la tragique tentative de suicide d’un jeune homme, militant du syndicat Solidaires, qui triplait sa deuxième année de Sciences po, il n’est plus question que de la «précarité » et de la « paupérisation » des étudiants, alors que les études montrent qu’ils ne sont pas moins bien lotis que dans les autres pays européens : quatre sur dix bénéficient d’une aide, pour un montant total de 5,7 milliards d’euros (1).
Les policiers sont pointés du doigt comme fauteurs de chienlit, tandis que les émeutiers sont « héroïsés ». S’il y a des violences lors des « actes » des gilets jaunes, ce serait exclusivement la faute des forces de l’ordre, qui, pour un peu, seront bientôt accusées d’avoir dégradé l’Arc de triomphe, détruit la stèle du maréchal Juin, brisé les vitres des magasins, mis le feu dans des centres historiques.
Depuis qu’ils ont été noyautés par l’extrême gauche, qui les a maraboutés, avez-vous noté comme les gilets jaunes sont devenus gentils aux yeux des dictateurs de la pensée ? Même chose pour les syndicalistes, gentils cégétistes en tête, qui, si l’on en croit les médias, s’apprêtent à défendre les pauvres, les chômeurs et le bien commun lors de la grande grève de jeudi prochain contre la réforme des retraites. Sans blague !
Enclouée dans sa passion de l’égalité qui horripilait tant Tocqueville, la France est une machine à fabriquer de l’inégalité, des privilèges, des niches de toutes sortes. L’affaire des régimes spéciaux de retraite est un scandale. La honte de la jungle. En 1995, la France s’était dressée comme un seul homme, non sans niaiserie, pour défendre cette prébende injuste, pardonnez l’euphémisme, qui pénalise les plus défavorisés et qu’Alain Juppé, alors Premier ministre, avait décidé de réformer. Et voilà qu’un quart de siècle plus tard la même farce recommence !
Ne crions pas haro sur la SNCF : c’est une entreprise qui, ces dernières années, s’est considérablement modernisée. Mais est-il bien raisonnable que ses salariés bénéficient, comme les employés de la RATP, de la Comédie-Française ou de l’Opéra de Paris, de conditions de retraite plus que favorables ? Les agents sédentaires peuvent partir à 57 ans. Les conducteurs à 52 ans. Cherchez l’erreur. Autant dire que ce régime spécial est largement déficitaire et que l’Etat, c’est-à-dire les contribuables, doit remettre au pot chaque année : plus de 3 milliards d’euros !
La totalité des régimes spéciaux dont notre pays subventionne généreusement les retraites grève tous les ans le budget de l’Etat de 7 milliards d’euros : deux fois plus que ce que pourrait rapporter l’impôt sur la fortune s’il était rétabli ! Ce qui choque, c’est que les avantages des uns ou des autres n’ont aucun rapport avec la pénibilité de leurs métiers. Sinon, les agriculteurs, les déménageurs ou les vendeurs de crêpes dans la rue auraient droit au même traitement de faveur.
Voilà bien le comble de l’hypocrisie. Non contente d’avoir organisé au temps de sa splendeur le sabordage de fleurons de l’économie française, la CGT, organisation antisociale par excellence, défend les « privilèges » de ses forteresses sociales, au détriment des nécessiteux, des gens de peu qui, en dehors de la CFDT, premier syndicat français, n’ont à peu près personne pour les défendre. Et les gogos continuent de suivre la centrale de M. Martinez, les yeux fermés.
Jean Dutourd, un écrivain que l’on gagnerait à relire (« Au bon beurre, » « Les taxis de la Marne », etc.), disait : « Dans les situations désespérées, la seule sagesse est l’optimisme aveugle. » Devant le déluge de contre-vérités qui nous tombe dessus, il ne nous reste donc plus qu’à être sages, c’est-à-dire aveuglément optimistes
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1. Observatoire national de la vie étudiante.