Le regard de l’Europe doit se tourner vers l’Afrique
Tant pour le développement que pour la sécurité de l’Europe, il est urgent de relancer un partenariat global avec l’Afrique, autour de cinq priorités.
Le destin du XXIe siècle se jouera largement en Afrique. Le continent constitue la nouvelle frontière du développement, en raison de ses ressources humaines et matérielles. Il concentre en même temps les risques, qu’il s’agisse de pauvreté, de réchauffement climatique, de guerre civile, de djihadisme ou de migrations. La décennie 2020 décidera ainsi de son avenir.
L’Afrique a connu un tournant au début du siècle. Elle s’est libérée de la malédiction du mal-développement qui la poursuivait depuis les indépendances en commençant son décollage économique grâce à son insertion dans la mondialisation. La croissance, de 5,5 % par an, a permis de réduire la pauvreté et de faire émerger une classe moyenne. Son modèle économique s’est diversifié, s’émancipant des matières premières. La gouvernance s’est améliorée avec le recul des autocrates et de la corruption.
Cette dynamique a été enrayée par le krach de 2008. La croissance plafonne à 2,5 % en 2018 et à 2,6 % en 2019, soit le même niveau que l’augmentation de la population. Le chômage progresse, faute de créer les 12 millions d’emplois annuels qu’exige la hausse de la population active. La pauvreté touche 420 millions de personnes, dont plusieurs dizaines de millions sont frappées de famine. La dette publique a doublé en cinq ans pour atteindre 57 % du PIB.
Le ralentissement de l’économie est d’autant plus préoccupant qu’il s’accompagne de la remontée des risques systémiques et politiques. La population du continent va doubler d’ici à 2050 pour atteindre 2,5 milliards d’habitants. L’Afrique est particulièrement exposée au réchauffement climatique alors qu’elle ne produit que 3,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La démocratie recule devant le retour en force des dictateurs ; enfin, le djihadisme effectue une spectaculaire percée le long de l’« arc de la terreur », qui s’étend de l’Egypte au Nigeria et progresse vers le sud à la faveur de l’effondrement des Etats en Libye, en Somalie, au Soudan, au Mali, au Niger, au Burkina Faso ou en Centrafrique.
En dépit de ces difficultés, l’heure est à la course vers l’Afrique. La Chine, qui est son premier partenaire commercial depuis 2009 avec 105 milliards de dollars d’exportations et 99 milliards d’importations, contre 61 milliards pour les Etats-Unis, y déploie 298 milliards d’investissements depuis 2005, plus de 200 000 salariés et sa première base militaire extérieure à Djibouti. La Russie exporte son modèle de démocrature et sa propagande, ses armes et ses mercenaires, présents en Libye auprès du maréchal Haftar ainsi qu’au Soudan, en Ethiopie, en Centrafrique et au Sahel. La Turquie joue de sa transformation en démocrature islamiste pour multiplier les chantiers d’infrastructures.
Seule l’Europe fait exception, alors que l’Afrique représente un enjeu vital pour son développement comme pour sa sécurité : en 2100, on comptera en effet 4,5 milliards d’Africains pour 466 millions d’Européens. Elle reste le deuxième partenaire commercial, mais elle ne dispose pas d’une stratégie ■
Après la chute du mur de Berlin, l’Afrique a paradoxalement cessé d’être une priorité pour les Européens.