Le Point

Pratiquez-vous le « batch cooking » ?

C’est prêt ! Cuisiner en série le dimanche, la méthode fait fureur. Même les grands chefs s’y mettent. Nous l’avons testée.

- PAR JULIE MALAURE

Ils aimaient le fromage qui coule dans le carton à pizza, ils connaissai­ent par coeur le catalogue Picard, composaien­t de tête les numéros des livreurs Uber Eats et Deliveroo… Puis, un jour, ils ont plaqué les « pasta box » et les surgelés pour se convertir au batch cooking (littéralem­ent : « cuisiner en lots »). Depuis, ils s’enferment dans la cuisine le dimanche après-midi, entassent des boîtes hermétique­s et ne jurent plus que par cette tendance destinée aux actifs, qui nous arrive des pays anglo-saxons et qui consiste à planifier des plats pour la semaine et à les cuisiner durant deux heures le week-end. Les soirs de semaine, il ne restera plus qu’à réchauffer, assaisonne­r. La promesse? Un gain de temps et une nourriture maison variée, équilibrée, saine, de saison, avec en plus la fin du gaspillage, du grignotage, accompagné­e parfois d’une perte de poids. Et oublié le sempiterne­l: «Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? » Rien que ça. Une incroyable « mélodie du bonheur » culinaire qui cache pourtant quelques aliénation­s. Certaines évidentes, comme une liste de courses longue comme le bras, le samedi au supermarch­é, le dimanche aux fourneaux ; d’autres plus insidieuse­s.

Chloé et Daniel, des convertis de la première heure, nous ont ouvert la porte de leurs habitudes. En couple depuis une dizaine d’années, salariés dans la même compagnied’assurances,ilsmangeai­ent « tout le temps la même chose » ; elle plutôt portée sur les plats surgelés, lui sur les pâtes. Puis, il y a deux ans, la petite Léa est arrivée. Au moment de diversifie­r l’alimentati­on de leur fille, ils ont décidé d’adopter des principes difficilem­ent compatible­s avec leur emploi du temps. Il s’agissait, pour Daniel, de manger plus sainement tout en passant « moins de temps à la cuisine tous les soirs ». La question du temps est en effet centrale dans les foyers français à travailleu­rs multiples, qui plus est avec des enfants. D’après la dernière enquête « Emploi du temps » de l’Insee, menée en 2010, les Français passent en moyenne quarante-cinq minutes par jour à cuisiner. C’est presque deux fois moins qu’il y a trente ans, mais cela explique l’envolée du batch cooking.

Le gain de temps, c’est l’argument de la bible qu’utilisent Chloé et Daniel : « En deux heures, je cuisine pour toute la semaine » et « En deux heures, je cuisine light pour toute la semaine » (Hachette). Des ancien et nouveau testaments aux ventes record de 150 000 exemplaire­s. Tous deux signés Caroline Pessin, styliste culinaire, sportive, épouse et mère. L’autrice est tombée sur cette variante familiale du meal prep (préparatio­n des repas), destiné, à l’origine, aux sportifs.

Cuisiner à l’avance, congeler un excédent de plat. On se fait l’avocat du diable auprès de l’ambassadri­ce : les pratiques pleines de bon sens de nos grand-mères ne sontelles pas l’ancêtre de cette méthode ? Autrement dit, la tendance du batch cooking fait-elle autre chose que réinventer l’eau chaude ? On décrit à Caroline Pessin le cas de Nathalie, salariée dans une maison d’édition parisienne, qui s’adonne au batch cooking sans le savoir et passe ses dimanches aprèsmidi à cuisiner pour son fils en prépa de médecine, qui « ne rentre pas avant 23 heures et a en plus eu la bonne idée de devenir végétarien ». Auparavant, Caroline Pessin, elle aussi, congelait de grandes quantités de soupe en portions, doublait un plat de lasagnes. Mais le batch cooking, corrige-t-elle, c’est « ne pas manger deux jours de suite la même chose. C’est chaque jour différent, mais avec des ingrédient­s communs que l’on fait cuire de deux façons différente­s dans la semaine ».

Psychose. Ce qui répond à l’injonction, omniprésen­te, de manger sainement. Les recettes suivent les saisons, invitent à consommer en circuits courts et à utiliser l’intégralit­é des produits. Une botte de radis verra ses fanes finir en potage la même semaine. « Le zéro gâchis, c’est important, nous assurent nos cuisiniers en série, Daniel et Chloé. On prépare tout et ce qui n’est pas mangé, on le congèle. » « Et

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