Ces articles écrits sur commande grâce aux réseaux de mon épouse, employée de France Télévisions, ont pour unique objectif de me démolir.
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Tristan Duval
confie un conseiller municipal, qui dépeint ce ■ maire en «Bernard Tapie normand, un homme plein de charme avec un certain bagou ».
A Cabourg en hiver, les rues sont vides. Le 21 novembre 2018, Tristan Duval est condamné à trois mois de prison avec sursis et à 2500 euros pour préjudice moral. La situation est aussi cocasse que tragique : Cabourg, « ville de l’amour », autoproclamée «capitale internationale du romantisme », où les tourtereaux peuvent – moyennant 2 200 euros – faire graver leurs noms sur un banc face à la mer pour sceller leur amour, se retrouve dirigée par un élu condamné pour violences conjugales. Le maire fait appel et continue de se présenter comme « la vraie victime de cette affaire ». La déferlante gilets jaunes occulte la vague #MeToo, et le jugement fait finalement peu de bruit.
Le collectif Osez le féminisme s’émeut alors de ce que le tribunal n’ait pas assorti sa condamnation d’une peine d’inéligibilité et lance une pétition qui recueille des dizaines de milliers de signatures. La tournure médiatique que prend l’affaire ne plaît guère à Tristan Duval, qui clame son innocence sur Facebook. En décembre, il décide de réagir, à sa manière. Les habitants de Cabourg reçoivent dans leur boîte aux lettres un courrier, où l’édile explique que «ces articles écrits sur commande grâce aux réseaux amicaux et professionnels de mon épouse, employée de France Télévisions, ont pour unique objectif de me démolir, de nuire et de mettre en péril ma vie professionnelle et person
nelle (…) Oui, le combat contre les violences faites aux femmes est fondamental, mais il existe des manipulatrices, des destructrices et des dénonciations calomnieuses et mensongères dans le but de détruire socialement un homme. (...) De tels amalgames et agressions n’aident pas la cause et n’atténuent pas la douleur de celles qui souffrent, des véritables femmes battues qui vivent un calvaire et dont ma femme ne fait pas partie ». L’opposition sort de sa réserve et interpelle le maire sur cette affaire de moins en moins privée. La reproduction et la distribution de ce courrier ont-elles été financées par les deniers publics? Tristan Duval assume de faire endosser le coût de la reproduction à la collectivité : « C’est le maire qui a été cité dans toute la presse. Cette affaire devait rester privée, elle est devenue publique malgré moi, il n’y a aucune prise illégale d’intérêts », se défend-il. L’opposition réclame toujours le remboursement de 3 200 euros pour les 8000 exemplaires imprimés, un montant calculé d’après « les tarifs de reprographie demandés et votés par le maire lui-même quelques mois plus tôt », explique Julien Champain, candidat aux prochaines municipales, pour qui « cette affaire empoisonne la vie locale depuis deux ans. Il est temps de tourner la page et de changer de maire». Pour Stéphane Sebag, conseil de Solène Mauget, cette lettre est le signe de la confusion qu’entretient l’élu autour de sa défense : « Il y a dans cette affaire une impudeur folle de la part d’un élu qui prétend partout que c’est une affaire privée, alors qu’il fait tout pour la transformer en affaire publique! Le tribunal qui a décidé de ne pas prononcer son inéligibilité au motif que c’était une affaire privée devra reconsidérer cette option en appel », prévient-il.
Provocation. L’édile n’est pas au bout de ses surprises et le sujet devient de plus en plus politique. Tristan Duval décide en juin de participer à la conférence de presse de présentation du Festival du film romantique de Cabourg, placé sous le signe des violences faites aux femmes. Les associations féministes y voient une provocation et lancent de nouvelles pétitions. Le maire renonce à apparaître pendant le festival. Dernier rebondissement, le 20 novembre. Cette fois, c’est Solène Mauget qui est condamnée à 1 500 euros d’amende, dont 1 000 euros avec sursis, en réponse à une plainte pour violence déposée par son mari. Elle aussi fait appel. Le maire, lui, y voit la preuve que « la violence n’a pas de sexe » et le début d’une réhabilitation. En réponse, les mouvements féministes s’indignent qu’une « morsure défensive » puisse faire l’objet d’une condamnation. L’actrice Eva Darlan publie sur Facebook un message accompagné d’une photo du visage tuméfié de Solène Mauget. Le message devient viral et la photo est brandie lors des manifestations contre les violences sexistes place de la République. « Je n’étais pas franchement heureuse que cette photo circule sur les réseaux sociaux. J’ai rasé les murs plusieurs jours, j’avais un peu honte qu’on voie ma gueule comme ça. En même temps, je me suis sentie soutenue», explique la jeune femme, qui tente aujourd’hui de tourner la page, pendant que son ex-mari vient d’annoncer une nouvelle candidature aux municipales. « L’amour naît aussi bien d’un regard de mépris que d’un regard de bonté », écrivait Proust, l’amoureux de Cabourg dans ses « Cahiers »
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