Le Point

Encensé par Michel Drucker !

Didier Fusillier, directeur de la Villette, a inventé des « maisons de la culture 2.0 » très populaires. Portrait.

- P. G.

Malin! Le jour de la sortie de «L’ascension de Skywalker» par Disney, le distribute­ur Splendor ressort de son côté le superculte « Starcrash, le choc des étoiles», de Lewis Coates (pseudo du réalisateu­r transalpin Luigi Cozzi). Tournée à Cinecitta et en Calabre en 1977, cette série Z italienne, sortie en France le 28 mars 1979, plagiait alors «La guerre des étoiles » avec à peine quelques centaines de milliers d’euros de budget. La trame suit les aventures d’Akton et Stella Star, un duo mixte de contreband­iers de l’espace confrontés aux sinistres plans du maléfique Zarth Ann. Amazones en furie, géant d’aluminium, androïde en caoutchouc, fonds étoilés multicolor­es, décors recyclés dans tout le film : revoir « Starcrash » aujourd’hui est un pur délice régressif, entre SF fauchée et fantasy à la Ray Harryhause­n. D’autant que, malgré son nanobudget, Luigi Cozzi a pu se payer les services du grand John Barry (compositeu­r attitré de « James Bond ») pour la musique, ainsi qu’au casting le vétéran Christophe­r Plummer et une star montante nommée… David Hasselhoff, futur héros de la série « K 2000 ». Même Michel Drucker salua le film, dans une mémorable critique publiée en juillet 1979 dans la revue Tintin, c’est dire !

En salles le 18 décembre.

C’est un petit cube rouge qui flamboie comme un phare au pied des barres HLM de Sevran. Nous sommes dans la cité des Beaudottes, l’un des quartiers les plus durs de Seine-Saint-Denis. A l’intérieur de ce drôle de cube, tout n’est pourtant que calme, beauté, réconfort. Des enfants jouent, des ados s’affairent dans un FabLab (atelier de fabricatio­n numérique) où ronronne une imprimante 3D ; sur un écran géant, des tableaux de Marie Laurencin, des sculptures de Brancusi, des vues de la galerie des Glaces numérisés à la perfection défilent : le musée d’Orsay, le château de Versailles et le Centre Pompidou.

Ce lieu hybride qui a ouvert en 2017, sorte d’arche de Noé construite en plein désert culturel autour d’un musée virtuel dernier cri, s’appelle une MicroFolie. Il en existe déjà soixante un peu partout en France. Didier Fusillier, le doux dingue qui a inventé le concept, est un type bien connu de la scène artistique française, patron du parc de la Villette depuis 2015, qui montre en riant le slogan affiché en grand dans son bureau surplomban­t le parc : « On commence à fond, et on accélère progressiv­ement ».

« Dans les Micro-Folies, il y a presque toujours un espace café. La culture, il faut que ça sente la crêpe, les gâteaux, il faut que ça sente bon », dit-il. Il est immense, sourit tout le temps, porte un fascinant manteau en Skaï mauve. La direction de la Nuit blanche ? C’est lui. La conception de Lille 2004 Capitale européenne ? Lui encore. La métamorpho­se de la scène nationale de Maubeuge et de la Maison des arts de Créteil en lieux pionniers de l’art vivant ? Lui toujours. « Il peut arriver dans un endroit complèteme­nt mort et mettre le feu, tranquille­ment », dit de lui son ami le metteur en scène Jérôme Deschamps.

Le Zébulon a vite des fourmis dans les jambes. Il se lève comme un ressort et vous embarque en voiturette électrique sur son terrain de jeu, les 55 hectares de la Villette, le plus grand parc culturel d’Europe. L’architectu­re des lieux, juxtaposit­ion confuse de sites culturels hétéroclit­es, de passerelle­s, de fontaines et de jardins à thème – et même des vignes qui donnent du vin ! –, lui va comme un gant. « Je m’y perds encore », se réjouit-il. On est en train de démonter l’expo

« Toutankham­on », 1,5 million de visiteurs, un record. Un couple se bécote dans le Jardin des bambous, des Chinois font du tai-chi sur les pelouses et Fusillier en voiturette fonce vers le Périphériq­ue, tout au fond du parc, nouveau lieu destiné aux grapheurs, skateurs et autres adeptes des cultures urbaines. On longe Little Villette, beau bâtiment de marbre blanc que, dès sa nomination, Fusillier a voulu consacrer aux jeunes enfants et à leurs familles. « Il a changé le format et la densité de la programmat­ion, explique Frédéric Mazelly, directeur artistique du parc. Il aime juxtaposer les propositio­ns. A la Grande Halle, on fait concert et Salon, ou spectacle et expo en même temps. C’est intense, mais ça marche. » Au printemps, une rétrospect­ive du street artist Banksy est prévue ainsi qu’une exposition « Révolution­s », sur la jeunesse des années 1966-1970.

« Dédramatis­er ». La voiturette fonce désormais entre les fameuses folies, 26 cubes rouge vif de 12 mètres sur 12 disposés tous les 120 mètres et imaginés en 1983 par l’architecte Bernard Tschumi. Balises joyeuses devenues les emblèmes de ce parc foutraque qui fut l’un des premiers grands chantiers de l’ère Mitterrand, ces pavillons étaient pour beaucoup méchamment décrépis. Le premier souci de Fusillier, en 2015, est de les faire restaurer. Mais une restaurati­on avec les matériaux d’origine coûte 1,6 million par pavillon. Fusillier s’envole donc pour New York, afin de convaincre l’architecte d’accepter une restaurati­on à moindre coût de ces structures devenues cultes. « Ç’a été vite réglé. Pour Tschumi, la culture, l’art, il faut que ça vive, pas question de mettre les folies sous cloche. »

Mais Fusillier caresse un autre rêve, qu’il expose Rue de Valois, en septembre 2015, aux directeurs

des grands établissem­ents culturels et musées ■ parisiens. Les PowerPoint, les petits dossiers budgétés à l’euro près ? Pas son style. « Je crois à la force du discours », dit-il. Il parle donc sans notes, et ça donne à peu près ceci : 1. La Villette est un établissem­ent public national financé par tous les contribuab­les ; elle doit donc porter des projets qui concernent tous les territoire­s. 2. Le numérique offre un moyen rêvé d’atteindre les déserts culturels et de « dédramatis­er » (sic) le rapport au musée; alors, numérisons les trésors des grandes institutio­ns nationales et inventons des lieux, chaleureux et modulables, à l’emblème des folies de la Villette, pour abriter ces musées numériques. Fusillier est, comme souvent, hyperconva­incant.

Deux ans après le plaidoyer au ministère naît, à Sevran, la première Micro-Folie. «Ici, c’est un des quartiers les plus chauds de France, dit aujourd’hui son directeur, Phaudel Khebchi, et voyez comme ce lieu est paisible. Maintenant, quand les mômes vont au musée en sortie scolaire, ils sont moins intimidés. Cette beauté, ces objets, ces tableaux, ils les ont apprivoisé­s. C’est une victoire, non ? » A quelques kilomètres de là, dans le parc de la Villette, Didier Fusillier est heureux : ses Micro-Folies fonctionne­nt si bien que près de 200 autres vont ouvrir cette année sur tout le territoire. On commence à fond, donc. Et puis on accélère progressiv­ement

Micro-Folie, mode d’emploi Une Micro-Folie peut être construite de toutes pièces ou s’intégrer à une structure déjà existante – médiathèqu­e, lieu commercial. Elle est peu onéreuse à mettre en place. On y trouve :

● un musée numérique réunissant plusieurs milliers de chefs-d’oeuvre de 12 établissem­ents partenaire­s ;

● un FabLab pour développer la créativité des habitants ;

● un café, une bibliothèq­ue, un espace scénique où peuvent se tenir concerts, expos, bals et conférence­s.

« Helena Rubinstein, la collection de Madame », musée du Quai Branly - Jacques-Chirac, Paris, jusqu’au 28 juin 2020.

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 ??  ?? Nanar. David Hasselhoff et Caroline Munro, dans un « Star Wars » à la sauce italienne.
Nanar. David Hasselhoff et Caroline Munro, dans un « Star Wars » à la sauce italienne.
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 ??  ?? Immersif. En haut, à g., Didier Fusillier, au parc de la Villette, dont il est le directeur. Ci-dessus, le musée numérique de la maison Folie Moulins, à Lille (Nord).
Immersif. En haut, à g., Didier Fusillier, au parc de la Villette, dont il est le directeur. Ci-dessus, le musée numérique de la maison Folie Moulins, à Lille (Nord).
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Le 9 décembre a été lancée la première Micro-Folie mobile et deux nouvelles Micro-Folies ont vu le jour sur le territoire de la Thiérache.
Journées portes ouvertes à la Micro-Folie de Sevran, le 22 janvier 2017. En bas, l’entrée de la Micro-Folie. Le 9 décembre a été lancée la première Micro-Folie mobile et deux nouvelles Micro-Folies ont vu le jour sur le territoire de la Thiérache.
 ??  ?? « Africaine ». Helena Rubinstein, chez elle, à Paris, vers 1930.
« Africaine ». Helena Rubinstein, chez elle, à Paris, vers 1930.

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