Le Point

La retraite, ce débat qui a pris un coup de vieux

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

Avant même d’être détaillée, la réforme des retraites cumulait les handicaps. Son intitulé, tout d’abord. Le mot retraite émet un son désagréabl­e. Dans le dictionnai­re Littré, il renvoie à une expression négative : battre en retraite. La retraite évoque le renoncemen­t, la défaite. Elle a un côté militaire : c’est « l’obligation faite aux gens de guerre de rentrer à certaine heure ». La langue est tout dans un pays. Aucun gouverneme­nt ne pourra rien contre cela. Cette réforme cumule un deuxième inconvénie­nt. Elle intervient à un moment où le rapport à la vieillesse a énormément changé. On supporte d’autant moins la retraite qu’il faut la prendre à un âge où on est désormais en meilleure santé.

Bien sûr, il existe encore des métiers éprouvants. Mais qu’est-ce qui se profile ? Au milieu du XXIe siècle, un Français sur trois aura plus de 60 ans, contre un sur cinq en 2005, souligne la revue Usbek & Rica dans son numéro de décembre. Nous sommes entrés dans la « société du vieillisse­ment ». Celle-ci va nécessiter des changement­s autrement plus radicaux que la suppressio­n de régimes spéciaux. Les enjeux médicaux, sociaux et économique­s de cette révolution anthropolo­gique sont colossaux. On va vivre plus vieux et en meilleure santé. Dès lors, quel sens aura le mot retraité à l’avenir ? Dans son remarquabl­e essai « Une brève éternité. Philosophi­e de la longévité »,

Pascal Bruckner décrit la retraite comme une « malédictio­n du loisir absolu érigé en mode de vie ». Y a-t-il nécessité d’abolir la distinctio­n entre travail et retraite ? Pourquoi faudrait-il continuer à attendre un âge limite pour pouvoir goûter au repos et aux loisirs ? Chacun ne devrait-il pas être libre d’organiser sa vie profession­nelle à son rythme ? Faire une pause à 40 ans et travailler jusqu’à 70 ? Le philosophe Gaspard Koenig défend la création d’un « compte temps universel ». On peut débattre de cette approche, mais elle a le mérite d’être positive. Elle rompt avec la vision dogmatique ou crépuscula­ire de la retraite qui prévaut chez nos responsabl­es politiques et syndicaux

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