La retraite, ce débat qui a pris un coup de vieux
Avant même d’être détaillée, la réforme des retraites cumulait les handicaps. Son intitulé, tout d’abord. Le mot retraite émet un son désagréable. Dans le dictionnaire Littré, il renvoie à une expression négative : battre en retraite. La retraite évoque le renoncement, la défaite. Elle a un côté militaire : c’est « l’obligation faite aux gens de guerre de rentrer à certaine heure ». La langue est tout dans un pays. Aucun gouvernement ne pourra rien contre cela. Cette réforme cumule un deuxième inconvénient. Elle intervient à un moment où le rapport à la vieillesse a énormément changé. On supporte d’autant moins la retraite qu’il faut la prendre à un âge où on est désormais en meilleure santé.
Bien sûr, il existe encore des métiers éprouvants. Mais qu’est-ce qui se profile ? Au milieu du XXIe siècle, un Français sur trois aura plus de 60 ans, contre un sur cinq en 2005, souligne la revue Usbek & Rica dans son numéro de décembre. Nous sommes entrés dans la « société du vieillissement ». Celle-ci va nécessiter des changements autrement plus radicaux que la suppression de régimes spéciaux. Les enjeux médicaux, sociaux et économiques de cette révolution anthropologique sont colossaux. On va vivre plus vieux et en meilleure santé. Dès lors, quel sens aura le mot retraité à l’avenir ? Dans son remarquable essai « Une brève éternité. Philosophie de la longévité »,
Pascal Bruckner décrit la retraite comme une « malédiction du loisir absolu érigé en mode de vie ». Y a-t-il nécessité d’abolir la distinction entre travail et retraite ? Pourquoi faudrait-il continuer à attendre un âge limite pour pouvoir goûter au repos et aux loisirs ? Chacun ne devrait-il pas être libre d’organiser sa vie professionnelle à son rythme ? Faire une pause à 40 ans et travailler jusqu’à 70 ? Le philosophe Gaspard Koenig défend la création d’un « compte temps universel ». On peut débattre de cette approche, mais elle a le mérite d’être positive. Elle rompt avec la vision dogmatique ou crépusculaire de la retraite qui prévaut chez nos responsables politiques et syndicaux
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