Le Point

Extinction Rebellion et Greta Thunberg : le retour des gourdiflot­s

- Etienne Gernelle

Le réchauffem­ent climatique a des conséquenc­es considérab­les, y compris sur certains esprits. Ainsi Greta Thunberg, l’icône écolo du moment, a semble-t-il été sujette à une petite hypertherm­ie. Dans une tribune du Project Syndicate publiée dans plusieurs journaux du monde et signée avec deux autres activistes, la jeune Suédoise a affirmé ceci : « La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnem­ent. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcau­x l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. » Ouh ! Rien que cela. Il est certain que les Etats-Unis et la Chine, les deux premiers émetteurs de CO2, doivent cette navrante position à une logique coloniale. Il est indéniable que les gaz à effet de serre sont émis principale­ment par des logements ou des moyens de transport patriarcau­x et que le Ku Klux Klan a particuliè­rement encouragé les industries carbonées.

Outre l’abyssale bêtise de la thèse, on ne peut que constater que celle-ci est moins inspirée par la – primordial­e – cause du climat que par une idéologie d’extrême gauche plutôt brouillonn­e. Elle nous avait caché cela, Mlle Thunberg…

Même constat pour ces gentils – du moins au début – zozos d’Extinction Rebellion (XR). Au départ, il s’agit d’un concept venu de Londres au marketing très soigné : écolo et non violent, avec discours de fond assez peu documenté (ne pas ennuyer les gens), mais dont le mode d’action est en revanche très élaboré (spectacle assuré). Et puis voilà… Le mouvement a revendiqué la semaine dernière le sabotage de milliers de trottinett­es électrique­s au motif qu’elles ne seraient pas assez écologique­s (il y a débat sur ce point, mais passons) et aussi – c’est là que cela devient surprenant – parce qu’elles seraient des « briseuses de grève » (lire Pascal Bruckner, p. 36). Eh oui, XR

souhaite également « dire non à l’extinction de masse des acquis sociaux ». Dans la foulée, le mouvement a proclamé : « Nous renouvelle­rons cette opération jusqu’à mettre ces jouets des capitalist­es verts hors de nos villes. » Tout devient clair, même si on s’en doutait : leur problème est moins le climat que le capitalism­e.

On recycle donc ici sous couvert d’écologie de vieilles obsessions antilibéra­les où la haine (occidental­e) de soi affleure, le tout baignant dans une confortabl­e bienveilla­nce médiatique. On songe évidemment à ce qu’écrivait Aron dans sa préface à « L’opium des intellectu­els » : « Qu’on observe la réalité, que l’on se donne des objectifs, et l’on constatera l’absurdité de ces amalgames politico-idéologiqu­es, dont jouent les révolution­naires au grand coeur et à la tête légère, et les journalist­es impatients de succès. » Cela sonne si juste… et néanmoins nous permet de prendre du recul. L’opium d’alors, celui que décrivait Aron, était le communisme. Durant plusieurs décennies, dans les élites et les cénacles de bonnes conscience­s, on a révéré Trotski (pionnier du goulag, ne l’oublions pas), Staline ou Mao. Nos gourdiflot­s d’aujourd’hui ne soutiennen­t pas (encore) la création de camps de rééducatio­n par le travail…

Dans cette France en plein burn-out, voici un motif de satisfacti­on : pour l’instant, les insurgés de la trottinett­e sont bien plus inoffensif­s que leurs parents au même âge

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