Extinction Rebellion et Greta Thunberg : le retour des gourdiflots
Le réchauffement climatique a des conséquences considérables, y compris sur certains esprits. Ainsi Greta Thunberg, l’icône écolo du moment, a semble-t-il été sujette à une petite hyperthermie. Dans une tribune du Project Syndicate publiée dans plusieurs journaux du monde et signée avec deux autres activistes, la jeune Suédoise a affirmé ceci : « La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. » Ouh ! Rien que cela. Il est certain que les Etats-Unis et la Chine, les deux premiers émetteurs de CO2, doivent cette navrante position à une logique coloniale. Il est indéniable que les gaz à effet de serre sont émis principalement par des logements ou des moyens de transport patriarcaux et que le Ku Klux Klan a particulièrement encouragé les industries carbonées.
Outre l’abyssale bêtise de la thèse, on ne peut que constater que celle-ci est moins inspirée par la – primordiale – cause du climat que par une idéologie d’extrême gauche plutôt brouillonne. Elle nous avait caché cela, Mlle Thunberg…
Même constat pour ces gentils – du moins au début – zozos d’Extinction Rebellion (XR). Au départ, il s’agit d’un concept venu de Londres au marketing très soigné : écolo et non violent, avec discours de fond assez peu documenté (ne pas ennuyer les gens), mais dont le mode d’action est en revanche très élaboré (spectacle assuré). Et puis voilà… Le mouvement a revendiqué la semaine dernière le sabotage de milliers de trottinettes électriques au motif qu’elles ne seraient pas assez écologiques (il y a débat sur ce point, mais passons) et aussi – c’est là que cela devient surprenant – parce qu’elles seraient des « briseuses de grève » (lire Pascal Bruckner, p. 36). Eh oui, XR
souhaite également « dire non à l’extinction de masse des acquis sociaux ». Dans la foulée, le mouvement a proclamé : « Nous renouvellerons cette opération jusqu’à mettre ces jouets des capitalistes verts hors de nos villes. » Tout devient clair, même si on s’en doutait : leur problème est moins le climat que le capitalisme.
On recycle donc ici sous couvert d’écologie de vieilles obsessions antilibérales où la haine (occidentale) de soi affleure, le tout baignant dans une confortable bienveillance médiatique. On songe évidemment à ce qu’écrivait Aron dans sa préface à « L’opium des intellectuels » : « Qu’on observe la réalité, que l’on se donne des objectifs, et l’on constatera l’absurdité de ces amalgames politico-idéologiques, dont jouent les révolutionnaires au grand coeur et à la tête légère, et les journalistes impatients de succès. » Cela sonne si juste… et néanmoins nous permet de prendre du recul. L’opium d’alors, celui que décrivait Aron, était le communisme. Durant plusieurs décennies, dans les élites et les cénacles de bonnes consciences, on a révéré Trotski (pionnier du goulag, ne l’oublions pas), Staline ou Mao. Nos gourdiflots d’aujourd’hui ne soutiennent pas (encore) la création de camps de rééducation par le travail…
Dans cette France en plein burn-out, voici un motif de satisfaction : pour l’instant, les insurgés de la trottinette sont bien plus inoffensifs que leurs parents au même âge
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