Candidat des autres
Consacré meilleur opposant par de récents sondages, le maire de Troyes fait renaître l’espoir chez Les Républicains. Beaucoup espèrent qu’il sera candidat en 2022. Mais lui, le veut-il ?
Le 25 septembre 2019, la presse attend à la sortie de la 17e chambre civile du tribunal de Paris, où l’instigatrice du mot-clé #Balancetonporc, à l’origine d’un vaste mouvement de libération de la parole des femmes, vient d’être condamnée pour diffamation contre l’homme qu’elle accusait de l’avoir harcelée. Devant les caméras, l’un de ses deux avocats, Francis Szpiner, tonne qu’il fera appel, dénonce une décision « extravagante », «hors du temps »… Personne ne remarque, à l’écart, le geste de François Baroin attrapant sa cliente par le bras pour la mettre à l’abri. « Il m’a ramassée après l’audience, j’étais hébétée, raconte Sandra Muller. Il m’a entraînée dans une pièce, m’a offert des clopes et a su trouver les mots pour me réconforter. C’est quelqu’un de tellement sensible…» Baroin, avocat de l’égérie française du mouvement #Metoo, que nombre de Républicains ont décrit comme une «chasse aux sorcières », un « maccarthysme » ? On ne l’attendait pas sur ce terrain. Depuis le bureau de président de l’Association des maires de France dans lequel il nous reçoit, affable mais distant, il refuse pourtant de commenter le vibrant appel à comprendre « l’évolution de la société » qu’il a lancé au tribunal, après une plaidoirie qui a marqué les esprits. « Je ne mélange pas les sujets », dit-il. On insiste : « Ça me parle personnellement, je ne le fais pas comme responsable ou militant républicain. Il n’y a aucune stratégie politique. »
Ce mois de décembre, alors que les médias ont une nouvelle fois braqué leurs projecteurs sur l’éternel « espoir » d’une droite en mal d’icônes et que le destin « romantique » de Baroin passionne, on se heurte encore à l’un des nombreux murs que le maire de Troyes a érigés entre les différents
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retraites ont ébranlé l’aile droite des soutiens du président et ouvert un nouvel espace aux Républicains, écrasés depuis 2017 entre LREM et le Rassemblement national. « Le microcosme politico-médiatique se dit : merde ! On nous a vendu Macron comme le meilleur rempart contre le chaos, mais il va finir par nous y conduire. Marine Le Pen peut vraiment être élue », analyse Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat. Un sentiment d’urgence porte comme une marée le candidat le plus « naturel », parce qu’il en faut un, résume le sénateur LR Pierre Charon : « S’il y a sept morts dans une manifestation, le gouvernement saute. » Alors ? Xavier Bertrand, « tout gonflé de suffisance, se prend pour le maître du monde », persifle un cadre du parti, et Valérie Pécresse «ne peut décemment pas se présenter aux régionales et partir un an après ».
Etoile du Nord. Ne reste donc que Baroin, qui, n’ayant rien demandé, termine l’année accroché au firmament, grâce aux troupes LR désorientées prêtes à le suivre comme leur étoile du Nord. « La prise en main d’un parti sans rien faire ni rien dire, c’est quand même du jamais-vu », applaudit Franck Louvrier, qui ne voit lui aussi que des qualités à ce « sage actif », dont on se souvient subitement qu’en dépit de son look d’adolescent – « la malédiction du beau gosse », commente un proche – il n’a depuis longtemps plus rien d’un novice. Député à 28 ans, maire à 30, cinq fois ministre, il a tellement labouré le terrain, de ses campagnes municipales à la dernière épreuve des législatives qu’il a orchestrée en dépit d’une défaite certaine, que pour Christian Jacob « il correspond à l’attente du moment. François est très attaché aux territoires, il a une vision de la décentralisation. Macron s’appuie sur les technocrates et maintenant les masques tombent. La dépense publique a augmenté de 30% de plus qu’avec François Hollande, la balance du commerce extérieur plonge, la dette augmente. Sur l’immigration, la seule mesure qu’il ait prise, c’est d’élargir la possibilité de regroupement familial aux collatéraux »… En privé,
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