Comment ne pas aimer Brahms ?
Récit. Johannes Brahms aura eu une chance inouïe, celle d’avoir un ami comme Olivier Bellamy. Ils n’ont pas habité le même siècle, mais le musicologue connaît si bien le compositeur qu’il le ressuscite dans « L’automne avec Brahms ». Voilà une vie incroyablement romanesque, avec l’une des plus belles histoires d’amour du XIXe siècle : la passion de Brahms pour la grande pianiste Clara Schumann, épouse de Robert, qui fut un maître pour lui, au point qu’il lui a dédié son « Requiem allemand », peutêtre son chef-d’oeuvre. Clara et Johannes, de quatorze ans son cadet, se sont beaucoup aimés. Ont-ils conclu ? Ici, observe Bellamy, « l’amour est confus, brûlant, mais sacré et tout de suite à trois». Schumann est en effet fou de Brahms. « Je crains de n’être trop et continûment épris de lui », écrit le mari sur l’amant potentiel de son épouse. L’empathique «Automne avec Brahms », écrit à l’os, comme chuchoté, nous fait entrer à l’intérieur d’un monument de perfection et d’originalité. Jeune, Brahms était beau comme un dieu, le regard mélancolique non dénué d’humour. Mais c’était une feinte. Avec l’âge, il devint ce qu’il avait toujours été, au fond : un taiseux modeste, écorché vif, qui refusait les honneurs et qui ne s’aimait pas. De tous les génies de son époque, Brahms est l’un des plus fascinants, sans doute parce qu’il croyait, comme l’écrit Bellamy, que l’artisan en lui était supérieur à l’artiste. « Je crains, avoue-t-il ainsi, que mes capacités musicales soient supérieures à ce que j’ai à dire. »
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« L’automne avec Brahms », d’Olivier Bellamy (Buchet-Chastel, 290 p., 16 €).