Le nouveau bon chic bon genre
La figure de la bourgeoisie éclairée, version époque VGE, diffuse sa douce assurance de la mode à l’assiette, de la déco aux montres, des voitures au parfum.
Saunier-Seïté que Marie-Chantal, a voulu ressembler à Stéphane Audran épiçant les Chabrol et à Romy Schneider enlevant les Sautet, postféministe et sûre d’ellemême. Hedi Slimane chez Celine lui a retaillé son uniforme de jupe-culotte et de petite cape – ambiance avenue de Messine. Anthony Vaccarello, chez Saint Laurent, lui a fait se souvenir que Helmut Newton pouvait la sexualiser – elle ne rechigne pas devant ses silhouettes tout en jambes et ses transparences noires, un rien comtesse Alexandra dans « SAS ». Elle est une manière d’alter ego de la bourgeoise milanaise qu’Alessandro Michele avait déjà bien dévergondée chez Gucci et que Riccardo Tisci imagine en voyage un rien salace à Londres chez Burberry. Dans le même temps, Virginie Viard, nouvelle directrice artistique de Chanel, s’empare de la petite veste créée par Coco, joue avec ses poches, ses longueurs, ses galons et ses boutons, l’ose en fuschia et l’associe à des jeans et autres pantalons…
Les sacs de dame ont repris le dessus face aux sacs à dos, le formel affiche sa revanche sur le streetwear, le luxe affirme sa promesse de permanence face aux vicissitudes des marchés et de la rue.
Mais, en 2019, on sait aussi que la nostalgie n’est plus ce qu’elle était : le pas de côté est devenu la meilleure façon de marcher. Les attributs esthétiques de la bourgeoisie déraillent : le carré Hermès, affranchi du collier de perles, tague et tamponne ses « Brides de gala » ; le XVIe Sud qui flirte avec Billancourt prend sa revanche sur le Nord – dire « 116 » ; JeanFrançois Piège fait défaillir les végan en célébrant la poule au pot dans son restaurant éponyme ; la maison de campagne près d’Houdan que l’on rejoint en TER fait frémir d’aise pour son impact écologique quasi nul – Greta Thunberg pourrait même approuver ; l’air fleure bon la Cologne mais labellisée « eau de Californie » – on a tout de même voyagé ; quand aux « it girls » de l’époque, de Caroline de Maigret, ambassadrice de Chanel, à la décoratrice Sarah Lavoine, elles sont petite-fille et arrière-petite-cousine de « Ponia », comme on disait en 1975 pour désigner Michel Poniatowski, toutpuissant ministre de l’Intérieur et seul homme à tutoyer le président de la République d’alors… On ne cale plus en marche arrière. Mieux, on avance
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