Le Point

Polyhommie

- Patrick Besson

Pourquoi les femmes se plaignent-elles ? Parce qu’elles ont un seul homme. Celles qui n’en ont aucun se plaignent moins, car aucun homme dans la vie d’une femme, c’est moins lourd qu’un seul. On n’a, par exemple, pas à s’en occuper : autant de temps gagné pour la lecture, les sorties, les enfants. Les petits-enfants. Presque toutes les femmes seraient plus heureuses avec plusieurs hommes alors que la plupart des hommes se contentent d’une femme. C’est parce que les femmes ont le souci de la perfection, tandis que les hommes ont celui de la tranquilli­té. La perfection ne s’atteint qu’à plusieurs. Pour le plafond de la chapelle Sixtine, Michel-Ange n’avait-il pas de nombreux aides ? Mille personnes ont construit Notre-Dame de Paris, alors qu’il a suffi d’un fumeur pour la détruire – selon une des pistes possibles. Je pense depuis longtemps que les livres, à l’instar des films et des journaux, devraient avoir cinq ou six auteurs : un pour l’intrigue, un autre pour les dialogues, un troisième pour les descriptio­ns et un ou deux pour parler du livre à la radio et à la télévision. Les ouvrages seraient meilleurs et donc se vendraient mieux.

De quoi les femmes ont-elles besoin ? De tout. Pourquoi sont-elles malheureus­es ? Parce qu’elles n’ont pas tout. Ce sont des fanatiques du bonheur, quand les hommes sirotent leur malheur à petites lampées, comme des chats. Faisons le compte des hommes dont une femme a besoin : un sportif pour l’amour, un intellectu­el pour le rire, un banquier pour les vacances, un papa pour les enfants, un bricoleur pour la maison, un cuisinier pour tous les jours. On va en rester là, bien que je sente ma lectrice tentée d’allonger la liste : un top-modèle pour les sorties, un karatéka pour la sécurité, un acteur pour la célébrité, un chanteur pour la romance.

La polygamie perd du terrain à cause de la misère qui sévit dans les pays où les hommes ont de la peine à nourrir plusieurs femmes, alors que c’est pour eux une obligation. Il est temps que, dans nos contrées plus riches qu’elles ne veulent l’admettre, on installe la polyhommie. Les femmes, qui ont acquis récemment le droit de se marier entre elles, devraient désormais lutter pour avoir celui d’épouser plusieurs hommes en même temps. Elles retrouvera­ient ce sourire qu’une vie quotidienn­e terne et bousculée avec un homme unique efface trop souvent de leur beau visage. On les verrait, élégantes et reposées, satisfaite­s et amusées, aller d’un de leurs hommes à un autre, tous leurs rêves de perfection enfin accomplis. Malheureus­es, elles cesseraien­t de l’être à cause d’un homme seul mais d’un groupe déficient, ce qui limiterait les dégâts que crée toujours le désir de vengeance, surtout s’il passe par un livre. La multiplici­té des coupables atténuerai­t les coups de gueule de la victime. On n’a pas attendu les philippiqu­es des féministes pour savoir que la femme est supérieure à l’homme : les petites filles premières de leur classe jusqu’à ce qu’on leur mette dans la tête de trouver l’amour, alors que ce dont elles ont besoin… c’est d’une bande d’hommes à leur service

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Deux de couple.

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