Polyhommie
Pourquoi les femmes se plaignent-elles ? Parce qu’elles ont un seul homme. Celles qui n’en ont aucun se plaignent moins, car aucun homme dans la vie d’une femme, c’est moins lourd qu’un seul. On n’a, par exemple, pas à s’en occuper : autant de temps gagné pour la lecture, les sorties, les enfants. Les petits-enfants. Presque toutes les femmes seraient plus heureuses avec plusieurs hommes alors que la plupart des hommes se contentent d’une femme. C’est parce que les femmes ont le souci de la perfection, tandis que les hommes ont celui de la tranquillité. La perfection ne s’atteint qu’à plusieurs. Pour le plafond de la chapelle Sixtine, Michel-Ange n’avait-il pas de nombreux aides ? Mille personnes ont construit Notre-Dame de Paris, alors qu’il a suffi d’un fumeur pour la détruire – selon une des pistes possibles. Je pense depuis longtemps que les livres, à l’instar des films et des journaux, devraient avoir cinq ou six auteurs : un pour l’intrigue, un autre pour les dialogues, un troisième pour les descriptions et un ou deux pour parler du livre à la radio et à la télévision. Les ouvrages seraient meilleurs et donc se vendraient mieux.
De quoi les femmes ont-elles besoin ? De tout. Pourquoi sont-elles malheureuses ? Parce qu’elles n’ont pas tout. Ce sont des fanatiques du bonheur, quand les hommes sirotent leur malheur à petites lampées, comme des chats. Faisons le compte des hommes dont une femme a besoin : un sportif pour l’amour, un intellectuel pour le rire, un banquier pour les vacances, un papa pour les enfants, un bricoleur pour la maison, un cuisinier pour tous les jours. On va en rester là, bien que je sente ma lectrice tentée d’allonger la liste : un top-modèle pour les sorties, un karatéka pour la sécurité, un acteur pour la célébrité, un chanteur pour la romance.
La polygamie perd du terrain à cause de la misère qui sévit dans les pays où les hommes ont de la peine à nourrir plusieurs femmes, alors que c’est pour eux une obligation. Il est temps que, dans nos contrées plus riches qu’elles ne veulent l’admettre, on installe la polyhommie. Les femmes, qui ont acquis récemment le droit de se marier entre elles, devraient désormais lutter pour avoir celui d’épouser plusieurs hommes en même temps. Elles retrouveraient ce sourire qu’une vie quotidienne terne et bousculée avec un homme unique efface trop souvent de leur beau visage. On les verrait, élégantes et reposées, satisfaites et amusées, aller d’un de leurs hommes à un autre, tous leurs rêves de perfection enfin accomplis. Malheureuses, elles cesseraient de l’être à cause d’un homme seul mais d’un groupe déficient, ce qui limiterait les dégâts que crée toujours le désir de vengeance, surtout s’il passe par un livre. La multiplicité des coupables atténuerait les coups de gueule de la victime. On n’a pas attendu les philippiques des féministes pour savoir que la femme est supérieure à l’homme : les petites filles premières de leur classe jusqu’à ce qu’on leur mette dans la tête de trouver l’amour, alors que ce dont elles ont besoin… c’est d’une bande d’hommes à leur service
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