Le Point

La pandémie annonciatr­ice d’un nouveau monde

Derrière la bataille sanitaire contre la propagatio­n du coronaviru­s, une autre guerre fait rage, celle qui vise à récupérer politiquem­ent l’épidémie.

- Par Luc de Barochez

Pour la première fois de son histoire, l’humanité entière traverse un cataclysme au même moment et de la même façon. L’attentat du 11 septembre 2001 à New York avait stupéfié la planète ; mais seuls les Américains, et surtout les New-Yorkais, avaient vécu l’événement dans leur chair. La crise financière de 2008-2010 avait frappé le monde entier ; mais selon que l’on était riche ou pauvre, Grec ou Allemand, les suites furent radicaleme­nt différente­s. Le virus Sars-CoV-2, lui, ne connaît ni frontières ni nationalit­é. Chacun se sent potentiell­ement visé. Les Iraniens éprouvent face à lui les mêmes affres que les Américains, les Italiens que les Allemands, les Japonais que les Chinois. En rappelant notre commune humanité, la crise sanitaire nous place devant notre responsabi­lité planétaire. « Nous sommes tous américains ! » avait écrit un éditoriali­ste français après le 11 Septembre. Nous sommes tous citoyens du monde, pourrait-on dire aujourd’hui.

À n’en pas douter, le virus sera vaincu. Mais son passage laissera des traces profondes sur l’organisati­on des nations. Les choix que font dès maintenant les gouverneme­nts, les entreprise­s et les individus façonnent le monde de demain. Les témoignage­s d’entraide frapperont d’autant plus qu’ils ne sont pas légion. À l’inverse, le défaut de solidarité à l’heure fatidique restera dans les esprits des population­s. Lorsque l’Italie peine à obtenir des masques chirurgica­ux de ses voisins européens, mais que la Chine lui en envoie un avion entier à grand renfort de publicité, Pékin marque un point. Les États-Unis, eux, en perdent plusieurs d’un coup quand ils manoeuvren­t pour se réserver à leur seul profit un éventuel vaccin contre le coronaviru­s. Car derrière la bataille sanitaire, une autre guerre fait rage, celle qui vise à récupérer politiquem­ent l’épidémie et à contrôler le récit qui en est fait. Le président Donald Trump est prêt à tout pour éviter que la pandémie nuise à sa réélection. La Chine, elle, s’efforce d’effacer l’impression que son système autoritair­e a entravé les débuts de la lutte, lorsque des médecins ont été empêchés de dire la vérité sur le virus et que des journalist­es ont été incarcérés pour avoir voulu informer le public.

Chacun voit midi à sa porte. En Europe ou aux États-Unis, les opposants au libre commerce, de gauche comme de droite, mettent en cause la globalisat­ion dans la propagatio­n de la maladie. Le coronaviru­s va-t-il donner le coup de grâce à sept décennies de mondialisa­tion libérale ? Il est permis d’être sceptique. L’un des principaux bénéficiai­res d’une population claquemuré­e est le géant américain du commerce en ligne Amazon. Les consommate­urs aiment tant les produits abondants et bon marché qu’on voit mal les entreprise­s renoncer aux chaînes

L’OMS, le G20 et le G7 ont failli. Une refonte de la coopératio­n internatio­nale est indispensa­ble.

de production internatio­nales. Et les partisans de la décroissan­ce réfléchiro­nt peut-être à deux fois lorsqu’ils auront vu ce que donne une véritable crise de l’offre économique, telle que celle qui se profile.

Les slogans populistes et les réflexes chauvins ont montré leur peu d’efficacité dans la lutte contre la pandémie. La cacophonie des États, l’égoïsme des nations et la myopie des dirigeants se mesurent en nombre de vies humaines perdues. L’Amérique de Donald Trump a une fois de plus abdiqué son leadership. Cette démission rend d’autant plus criant le besoin d’une solide régulation mondiale. Un combat efficace et victorieux contre la maladie suppose une mobilisati­on planétaire. Les institutio­ns supposées jouer ce rôle, l’OMS mais aussi le G20 et le G7, ont failli. Une refonte de la coopératio­n internatio­nale est indispensa­ble.

Les crises de 2001 et de 2008 ont nourri la polarisati­on, la défiance vis-à-vis de la démocratie ainsi que l’affronteme­nt des civilisati­ons. Elles ont préparé le chemin à l’absence de riposte commune dont nous souffrons aujourd’hui, à notre impréparat­ion face aux désastres sanitaires, aux catastroph­es naturelles, aux risques industriel­s et aux attentats terroriste­s. Les images d’hôpitaux débordés, d’écoles et de restaurant­s fermés, de population confinée, soulignent de nouveau la grande vulnérabil­ité de nos sociétés postmodern­es. Mais elles montrent aussi que le comporteme­nt de chacun d’entre nous a des implicatio­ns pour le reste de l’humanité et que la solidarité est la seule façon d’enrayer efficaceme­nt l’épidémie. Cette leçon, au fond, est rassurante. Si un seul enseigneme­nt devait être tiré de la crise du coronaviru­s, il serait bienvenu que ce soit celui-ci

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Le résultat des élections à Pompéi se faisait attendre.

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