Le président, le virus
de l’éviter. Le matin même, Emmanuel Macron reçoit à l’Élysée le conseil scientifique mis en place la veille par le ministre de la Santé, qui lui présente l’adaptation, pour la France, de projections alarmantes circulant depuis plusieurs semaines, déjà, parmi les experts de nombreux pays. Agnès Buzyn, en pointe sur le sujet, avait d’ailleurs alerté dès le 30 janvier Édouard Philippe que « les élections ne pourraient sans doute pas se tenir », raconte-t-elle au Monde. Ce 12 mars, la menace se précise: en l’absence de mesures drastiques de prévention, répètent les scientifiques, l’épidémie du coronavirus pourrait causer plusieurs centaines de milliers de morts. Différentes réponses sont alors évoquées : fermetures des écoles, confinement des personnes âgées…, qu’Emmanuel Macron expose, au déjeuner, aux membres du Conseil de défense. Le président, en accord avec quelques ministres, souhaite annuler les élections. Mais de nouvelles consultations dans l’après-midi le font reculer : les scientifiques estiment que, techniquement, rien ne s’oppose à ce que le scrutin ait lieu puisque les contacts dans un bureau de vote peuvent être limités. Mais surtout, l’opposition, de gauche comme de droite, fait savoir immédiatement qu’elle considérera tout report comme un « coup d’État ». « Après le 49-3 sur les retraites, on l’aurait traité de dictateur s’il avait annulé les élections », l’excuse le député de l’Eure Bruno Questel. Le soir même, à la télévision, le président annonce donc la fermeture des écoles, conseille l’isolement aux personnes vulnérables, mais maintient les élections, incitant même les gens à se déplacer pour voter.
Le lendemain, on recense 785 malades supplémentaires, et 839 autres le jour suivant : la courbe grimpe en flèche. Dans une certaine panique, de nouvelles restrictions sont décidées : les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits, puis, le samedi soir, Édouard Philippe annonce la fermeture des bars et des restaurants. Pour les justifier, ses proches invoquent le « manque de civisme » des Français, nombreux sur les marchés, dans les bars, en dépit des recommandations… Mais le scrutin, lui, est toujours maintenu, dans l’incompréhension.
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« On est informé en même temps que le grand public… L’Élysée se bunkérise. » Un conseiller ministériel