Et les urnes
Emmanuel Macron vient de vivre l’une des plus intenses séquences de son quinquennat. Récit en coulisses et analyse.
Télétravail pour tout le monde ! À l’Élysée aussi, les ultimes arbitrages de l’allocution du président ce lundi 16 mars se sont faits par visioconférence : avant de s’adresser aux Français, Emmanuel Macron n’a reçu physiquement que les membres, peu nombreux, du Conseil de défense et les présidents des deux assemblées. Quelques heures avant l’annonce d’un confinement strict de la population, la présidence de la République et les membres du gouvernement sont entrés eux aussi en quarantaine. « Nous avons reçu des codes pour communiquer via Orange Business et des consignes strictes, confie un conseiller ministériel. On est informé en même temps que le grand public, c’est une ambiance bizarre… L’Élysée se bunkérise. » Las, le premier Conseil des ministres en visioconférence a « buggé ».
Dans son adresse, Emmanuel Macron a martelé six fois : « Nous sommes en guerre. » Une anaphore qui marquera l’une des séquences politiques les plus intenses de ce quinquennat, entre guerre sanitaire et des élections municipales inédites dans l’histoire de la République.
Tempête à l’Élysée
En une courte semaine, la France a basculé d’une relative insouciance à un quasi-état de siège, fermant ses commerces non indispensables et assignant à résidence une large majorité de Français : exactement le scénario « à l’italienne » qu’Emmanuel Macron voulait à tout prix éviter (lui qui était encore au théâtre avec son épouse le 6 mars) et qu’il se garde d’évoquer lui-même à la télévision, comme si ne pas nommer le strict confinement décidé pouvait rendre son imposition plus légère… « Si la crise sanitaire n’est pas maîtrisée et qu’il y a de nombreux morts, il ne s’en remettra pas », jugeait sombrement, dans la nuit, un ténor de la majorité. Lorsque la crise se noue pourtant, dans la journée du 12 mars, il est encore temps
Il confirme sa main-mise sur Hénin-Beaumont
Elle sort victorieuse d’un match plus que serré à Calais. À presque 80 ans, il est élu pour la 8e fois à Issy-lesMoulineaux. Plus de quarante ans de mandat. ture des frontières seraient assez puissants pour freiner la propagation du virus. Et ce sont aussi des décisions coûteuses, économiquement et socialement. On oublie que le chômage en France induit 14 000 morts prématurées par an ! » Si le choix était conscient, Emmanuel Macron, qui « a décidé seul », soulignent ses proches, sait qu’il devra aussi, demain, en assumer le bilan.
« Un moment démocratique inhabituel » Ô temps, suspends ton vol… Ces municipales resteront dans les annales comme une sorte d’élection fantôme. Un entre-deux démocratique. Entre crainte de la contamination et un second tour incertain, l’abstention s’étend sur tout le territoire – particulièrement dans les Pays de la Loire, dans l’Est, en Corse et à Nice. «Il y a eu un effet coronavirus, c’est certain, explique le préfet d’un département rural de l’est de la France. Mais il ne faut pas négliger non plus l’influence du ras-le-bol et de la dépolitisation massive des citoyens. La démobilisation aurait de toute façon enfoncé tous les records d’abstention. » À voir dans certaines communes des foules se masser sur des lieux de promenade ou sur des marchés tout en désertant les bureaux de vote, on ne peut que donner raison à ce haut fonctionnaire.
Pour lui, une partie des fortes différences de mobilisations locales s’expliquent par un argument trivial : « Les gens ont pris le risque de sortir de chez eux lorsqu’il y avait des enjeux importants, notamment lorsqu’il s’agissait de se débarrasser d’un mauvais maire ou d’en sauver un bon »… Ils sont tout de même 21 millions d’électeurs à s’être déplacés. La participation (44 %) se situe dans des niveaux comparables à des scrutins comme le référendum de 2000 ou les législatives de 2017. Affirmer que l’élection n’a pas eu lieu semblerait injuste à beaucoup d’édiles élus dès le premier tour, majoritairement issus de communes rurales de moins de 10 000 habitants.
Pour Denis Guitton, médecin et maire de Rugles, dans l’Eure (2 300 habitants), réélu depuis dix-neuf ans, les électeurs ont eu clairement le sentiment de « vivre un moment démocratique inhabituel » en pénétrant dans le bureau de vote, où flottait une angoissante odeur de gel hydroalcoolique. Le taux de participation s’est d’ailleurs effondré au fil de la journée. Ceux qui ont voté ont-ils le sentiment de s’être fait voler l’élection par le flou politique du moment ? « Certains éprouvent le regret de ne pas avoir vécu une élection « normale ». C’est ce qui se passe quand la politique l’emporte sur la logique », explique le maire.
Michel Fournier est vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Il a été réélu ce dimanche avec 63 % des voix aux Voivres, un village des Vosges de 310 habitants. Le taux de participation y a été insolent : 81 % de votants… « Nous sommes de nombreux élus dans ce cas », explique l’édile. « Les communes qui nécessitent l’organisation d’un second tour sont minoritaires et très largement urbaines », fait-il observer, ce qui fait dire à Cédric Scazbo, secrétaire général de l’AMRF, que cette élection aura au
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