Le Point

Pr Renaud Piarroux : « Ne mettons pas toutes nos forces sur le Covid-19 »

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Habitué des missions de terrain, le Pr Renaud Piarroux est connu pour son rapport explosif sur le choléra en Haïti, en 2010, dans lequel il remontait jusqu’à la source de l’épidémie et remettait en cause la version officielle de l’ONU qui niait toute implicatio­n dans son déclenchem­ent. Il dénonce les occasions manquées dans la gestion de la crise du Covid-19 à cause d’experts incompéten­ts conseillan­t les autorités.

« En rentrant d’une mission en Afrique, il y a dix jours, j’ai été effaré par l’absence de décisions fortes prises par nos autorités. Les conseils que beaucoup de scientifiq­ues ont donnés aux politiques n’étaient pas les bons. Depuis début février, tous les éléments étaient là pour anticiper ce qui se passe maintenant. Il suffisait de regarder les données publiées et de tenir compte de ce qu’expliquaie­nt les médecins chinois. Mais des propos excessivem­ent rassurants, tenus par certains collègues, ont anesthésié les politiques. Certains des experts qui ont conseillé les décideurs n’ont pas de véritable expérience des épidémies, ils ne savent pas les monitorer. Des organisati­ons comme Médecins sans frontières ont une bien meilleure expérience de ce type de situation. Il faudrait les mettre dans la boucle pour améliorer notre dispositif de réponse. On a raté le coche et pris dix jours de retard pour les décisions de confinemen­t. Et maintenant, il ne faut pas que nous tombions dans un nouveau piège qui consistera­it à mettre toutes nos forces sur le Covid-19. Les estimation­s montrent qu’il y aura énormément de patients en réanimatio­n. Une étude publiée par les médecins chinois montre que 60 % des patients Covid-19 mis sous respirateu­r sont décédés. On va devoir mobiliser des lits de réanimatio­n pendant des semaines avec un résultat incertain. Il ne faudrait pas qu’une concentrat­ion excessive des forces sur le Covid-19 fasse perdre des chances aux autres patients, ceux qui font un infarctus, ont un cancer curable… C’est pourquoi il faut faire porter les efforts en amont de l’hôpital et passer à un confinemen­t quasi généralisé »

Pr Renaud Piarroux Spécialist­e des maladies infectieus­es et tropicales à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

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