Avant Paris, Rome a appris à vivre sous cloche. Reportage dans une ville éternelle mais déserte.
Étrange privilège que de marcher dans les rues du centre historique de Rome ces jours-ci. Partout s’ouvre un gigantesque musée à ciel ouvert entièrement déserté, sur lequel règnent désormais en seuls maîtres les goélands. La fontaine de Trevi en deuil de ses amateurs de selfies, la place Navone vidée de ses terrasses et le Colisée privé de son interminable file d’attente sont pareils à des cartes postales photoshopées de la Ville éternelle, sur lesquelles on aurait minutieusement gommé la foule habituelle. « Du jamais-vu », soupire un militaire, presque ému en contemplant la scène.
Mais l’Italie n’avait pas le choix. Face à la virulence du coronavirus – 20 000 cas positifs et 1 800 décès en trois semaines –, qui venait de mettre à genoux le système de santé – pourtant réputé – des régions du nord de la péninsule et menaçait de terrasser les services souvent défaillants du Mezzogiorno, le gouvernement a décidé la mise en quarantaine générale du pays. Soixante millions d’Italiens sont ainsi priés de rester chez eux jusqu’au 3 avril. Le mot d’ordre, lancé par le Premier ministre, Giuseppe Conte, est devenu un cri de guerre face au Covid-19 : « Je reste à la maison. »
Depuis, touristes et habitants ont été remplacés par les forces de l’ordre dans la Ville éternelle. Car dans la capitale, comme partout ailleurs, avant de pouvoir mettre le nez dehors, une question revient sans cesse : « Ai-je bien mon autocertification sur moi ? » Grâce à ce laissez-passer du ministère de l’Intérieur – à imprimer et à remplir soi-même –, les habitants dans l’incapacité de se mettre au télétravail peuvent se déplacer en ville pour des motifs professionnels. Également autorisées, les visites chez le médecin ainsi que les sorties pour faire des courses dans les grandes surfaces et magasins d’alimentation restés ouverts.
dépeuplés, un vieillard se rapproche avec ■ peine du portail d’une église. « On peut entrer ? » interroge-t-il devant la grille de l’édifice, fermé comme tous les lieux de culte du pays. « Non, maintenant les messes sont diffusées en streaming », explique poliment un membre de la paroisse, resté à quelques pas de distance. « Sur l’ordinateur », complète-t-il devant la mine perplexe du retraité. Quelques clics plus tard, le visage du curé fait enfin son apparition sur l’écran. « C’est une messe en streaming mais nous sommes présents par le coeur et l’esprit », prêche-t-il devant une assemblée de bancs orphelins. La vidéo fera plus de 400 vues. Pas trop mal pour une paroisse qui dit n’accueillir qu’une centaine de fidèles pour sa messe dominicale.
En ces temps de quarantaine, la technologie vient également au secours du système éducatif. Dans la région de Rome, 730 000 élèves sont privés de salles de classe et confinés à la maison. « On fait maintenant des cours en live via un iPad », raconte Federica, enseignante d’anglais dans une école primaire privée. Les leçons sur tablette, ça plaît aux élèves. Moins aux enseignants. « C’est assez contraignant pour nous, il y a plein de choses que l’on ne peut pas faire. Par exemple, pour mon cours d’anglais, je ne peux pas faire de session d’écoute audio ou de contrôles. Parce qu’on ne peut pas avoir de supervision complète, on ne sait pas ce qu’ils font derrière leur écran, s’ils vont sur Internet », poursuit Federica.
Pour les parents, c’est souvent télétravail… et garde d’enfants en même temps. Pas question de demander de l’aide, comme il est coutume en Italie, aux grands-parents, les seniors étant les principales victimes du Covid-19. Pour éviter cet impossible 10 mars confinement de toute l’Italie