Le confinement porte ses fruits dans le « Wuhan d’Italie »
Il y a un mois, rares en France étaient ceux à pouvoir placer Codogno sur une carte de l’Italie. À l’exception peut-être de quelques fervents bonapartistes se remémorant que c’est dans cette cité du sud de la Lombardie que tomba le général Laharpe, officier apprécié du futur empereur. Pour les autres, la ville de 16 000 habitants, située dans la province de Lodi, s’est fait connaître à la fin du mois de février en devenant l’épicentre de la contamination du Covid-19 dans la péninsule.
C’est ici, dans les couloirs de l’hôpital de Codogno, qu’a été pris en charge le fameux « patient zéro » : Mattia, jeune homme de 38 ans devenu malgré lui un « superpropagateur » du virus à travers la commune (du personnel médical a même été contaminé) et dans toute la Lombardie. Une alarmante découverte qui avait forcé les autorités à placer sous quarantaine Codogno et une dizaine de communes des alentours, alors cadenassées dans une « zone rouge » par un lourd dispositif des forces de l’ordre.
« Cela fait trois semaines que l’on est en confinement total, que tout, à l’exception des commerces de première nécessité, est fermé ici », rappelle Andrea, ingénieur et voix bien connue de la cité padane. Lorsque, début mars, la règle du confinement s’est étendue à toute la Lombardie, aucun habitant n’aurait été tenté par le départ, même après la levée des barrages policiers, jure-t-on parmi la population. Rien à voir avec Milan, où des centaines de personnes se sont pressées dans les gares pour embarquer dans des trains en partance pour les régions du Sud, relativement épargnées par le coronavirus. « Et non, il n’y a pas eu cette fuite de masse ici, explique avec le sourire Andrea. On savait qu’on était regardés partout en Europe, qu’on avait cette triste renommée, qu’on nous appelait même “le Wuhan d’Italie”. (…) Dès le début, le sens des responsabilités nous a poussés à nous dire qu’on devait rester chez nous et ne pas sortir pour éviter de propager de possibles infections. Tout ça sans la moindre protestation », poursuit cet ancien conseiller municipal. Et d’ajouter, non sans fierté : « Quand tout sera fini, nous, les Codognesi, on pourra écrire des livres et faire des conférences dans le monde entier sur ce que c’est que le sens des responsabilités. »
Aujourd’hui, c’est toute l’Italie qui vit à l’heure du confinement à la « codognese ». Sur la place Fratelli Cairoli, près de l’église Saint-Blaise, le saint patron de la ville (qui protège des maux de gorge), pas un chat dans le centre historique. Mais la vie sociale n’est pas morte : les habitants de Codogno ne manquent pas d’imagination pour adoucir la quarantaine, à l’image de Radio Zona Rossa et de Radio Songe, lancées sur les ondes en période de confinement. « La tendance des contaminations est à la baisse, assure Francesco Passerini, maire de la ville. Pour donner une idée, au début, le nombre de nouvelles personnes infectées a augmenté de 30 à 40 par jour. Aujourd’hui, si nous en avons une ou deux, c’est beaucoup. Donc les résultats sont là. Nous comptons continuer comme ça et bientôt arriver à prévenir tout nouveau cas de manière définitive », espère désormais l’édile.
Aujourd’hui, à Codogno, les contagions plafonneraient autour des 200 cas. Une bonne nouvelle que l’on ne manque pas de souligner dans une région de Lombardie littéralement terrassée par le virus. En trois semaines, la province du nord de la péninsule, pièce maîtresse de la machine économique italienne, a enregistré quelque 13 000 patients positifs au Covid-19 et plus des deux tiers des 360 décès survenus sur le territoire national. Le système sanitaire lombard, l’un des plus réputés d’Europe, est aujourd’hui à bout de souffle, au bord de la rupture face à l’afflux de malades à traiter et au manque de matériel.
« Le modèle de Codogno vaut pour l’Italie mais aussi pour tous les autres pays touchés », avance Francesco Passerini. Cela a un coût. Les dommages du coronavirus et de la mise sous cloche de Codogno et de son économie s’élèveraient à près de 80 millions d’euros, pour les deux premières semaines de crise. Un mal nécessaire, reconnaît l’élu : « Il faudra se rappeler que, certes, on a été la première ville d’Europe où un cas de coronavirus a été diagnostiqué, mais aussi la première qui a montré que ce virus pouvait être vaincu. Il faut serrer les dents, faire des sacrifices, mais Codogno a prouvé que cette bataille peut être gagnée. »