Mia Couto : « Pour moi, biologiste et écrivain, c’est la même chose »
L’auteur mozambicain (à quand son Nobel ?) publie un nouveau roman ancré dans l’histoire coloniale de son pays natal et du Portugal de ses ancêtres. Rencontre.
Rien de ce qui est vivant ne lui est étranger. Cela remonte à l’enfance où Mia Couto, écrivain et biologiste mozambicain, demanda à ses parents s’il pouvait devenir, jusqu’à porter leur nom, l’un des chats errants qui miaulaient (miar en portugais) pour une pitance, sur le balcon de la maison familiale de Beira, ville du centre du Mozambique où il naquit en 1955. Et les parents – il faut dire que le père était déjà poète – acceptèrent aussitôt qu’Antonio Emilio Leite Couto devienne Mia. «J’ai beaucoup payé mon choix enfantin de ce prénom. Combien de fois suis-je arrivé dans des endroits, comme cette fois à Cuba, où l’on espérait une Mozambicaine noire, pour laquelle on avait préparé des cadeaux, comme des bijoux, qui ont fait plaisir à ma femme. »
Mais l’ambivalence n’est pas pour déplaire à cet écrivain, parmi les plus grands de notre temps, mozambicain, blanc, dont la famille portugaise s’exila en Afrique sous la dictature dans les années 1950. «Mon père était un opposant communiste à Salazar», raconte-t-il, et l’on songe alors que le protagoniste de son nouveau roman Les Sables de l’empereur, l’attachant sergent Germano de Melo, a été quant à lui banni, au siècle précédent, par la couronne portugaise parce que républicain. Il se retrouve au sud de ce Mozambique inconnu, à tenir une caserne limitrophe de l’empire de Gaza, ce royaume africain dont les Portugais, en cette année 1895, doivent s’emparer pour devenir seuls maîtres dans leur colonie africaine : les Anglais les ont en effet menacés de la leur reprendre ! La chute de Gaza entraînera celle de l’empereur NGungunyane, personnage haut en couleur– il lui fallait une femme par jour – qui a inspiré son livre à Mia Couto.
Noir et blanc. « Le Mozambique indépendant a fait un héros du Lion de Gaza, alors qu’il n’a pas lutté pour le pays, mais pour son propre empire en colonisant des Africains, tout en ayant une relation très ambiguë aux Portugais. J’ai trouvé dans cette situation un contexte riche d’éclairages pour le présent, sur la falsification, de part et d’autre, du passé, sur la construction de l’autre comme une menace, sur la peur. En écrivant, je parlais de choses d’aujourd’hui. » Dans ce roman, étonnamment contemporain en effet, l’autre personnage principal inventé (au milieu de figures historiques) incarne un thème récurrent chez Couto : « La construction illusoire des identités, qui sont toujours nébuleuses et mobiles. » Car Imani, jeune fille noire de 15 ans et interprète de Germano avec lequel elle vit un amour contrarié, est tiraillée entre deux mondes : noir et blanc, africain et portugais, oral et écrit. « Imani c’est moi », avoue l’écrivain