Emmanuel Macron, chef du Gosplan
Les vieux concepts d’économie administrée et de planification refont dangereusement surface à l’occasion de la crise.
La pandémie offre la possibilité aux Français de suivre des cours de rattrapage en économie extrêmement utiles dans un pays où cette discipline est moins enseignée que les arts plastiques. La crise économique permet à chacun de mieux comprendre les déterminants – les bienfaits également – de la croissance et de constater in vivo les liens étroits mais souvent ignorés qui unissent consommation, production, chômage et pouvoir d'achat. Elle initie aussi les « citoyens apprenants » à la théorie des avantages comparatifs dans le commerce international et devrait prochainement les familiariser avec les dangers du surendettement et la notion de libre consentement à l'impôt.
Au-delà de cet enseignement pratique, l'épidémie de Covid-19 conduit également en France à d'intenses réflexions sur le système économique mondial. De nombreuses voix s'élèvent, jusqu'au plus haut sommet de l'État, pour souligner l'urgence de repenser entièrement son organisation et la nécessité de renverser la table. Il convient toutefois de noter que cette inflammation intellectuelle et idéologique frappe surtout en France, les gouvernements des autres pays étant bien trop occupés à réparer le monde d'avant pour perdre leur temps à parler de la reconstruction du monde d'après.
Chez nous, en revanche, la pénurie de masques est interprétée par l'ensemble de la classe politique, de gauche et de droite, comme la preuve définitive des méfaits du libre-échange et de la mondialisation. Il n'est plus question que de relocalisation industrielle à tout-va et dans tous les domaines. Cet élan patriotique et cette volonté souverainiste pourraient toutefois vite se heurter au principe de réalité. Même en autorisant l'exploitation massive des gaz de schiste sur notre territoire, on voit mal par exemple comment les automobiles pourraient rouler demain sans les importations de pétrole venu d'Arabie saoudite ou du
Kazakhstan. Une conversion aux voitures électriques ne garantirait pas davantage notre indépendance, la Chine étant en situation presque monopolistique dans la production des métaux rares présents dans leurs batteries.
Le mot de relocalisation est d'ailleurs mal choisi, car pour nombre de biens au moins aussi stratégiques que le gel hydroalcoolique, il n'y a jamais eu de localisation, ou alors une production nationale de si médiocre qualité qu'elle n'a jamais rencontré le moindre succès commercial. On peut bien sûr toujours rêver d'une future 6G franco-française ou qu'une start-up auvergnate fabrique prochainement des smartphones plus performants que ceux d'Apple, mais on est bien là dans le domaine du rêve, pas celui de la réalité économique, industrielle et technologique. Il sera plus facile d'assurer notre autosuffisance en surblouses médicales qu'en ordinateurs portables.
Saluant le rôle de sauveur de l'économie joué par l'État, beaucoup espèrent bien que celui-ci profite de la situation pour en reprendre entièrement le contrôle et s'empresse de nationaliser à tout-va : des banques aux campings en passant par les agences immobilières et les bars-tabacs, sans oublier les clubs de foot et de strip-tease. Permettant ainsi à tous les malheureux salariés du secteur privé de rejoindre le monde enchanté de la fonction publique.
Non seulement le poussiéreux concept d'économie administrée suscite un enthousiasme populaire presque aussi grand que le traitement à l'hydroxychloroquine, mais celui de planification effectue un très étonnant retour en force au vu des catastrophes économiques qu'elle a entraînées dans le passé. Peut-être
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Chez nous, la pénurie de masques est interprétée par l’ensemble de la classe politique comme la preuve définitive des méfaits la mondialisation.