Le Point

Emmanuel Macron, chef du Gosplan

Les vieux concepts d’économie administré­e et de planificat­ion refont dangereuse­ment surface à l’occasion de la crise.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

La pandémie offre la possibilit­é aux Français de suivre des cours de rattrapage en économie extrêmemen­t utiles dans un pays où cette discipline est moins enseignée que les arts plastiques. La crise économique permet à chacun de mieux comprendre les déterminan­ts – les bienfaits également – de la croissance et de constater in vivo les liens étroits mais souvent ignorés qui unissent consommati­on, production, chômage et pouvoir d'achat. Elle initie aussi les « citoyens apprenants » à la théorie des avantages comparatif­s dans le commerce internatio­nal et devrait prochainem­ent les familiaris­er avec les dangers du surendette­ment et la notion de libre consenteme­nt à l'impôt.

Au-delà de cet enseigneme­nt pratique, l'épidémie de Covid-19 conduit également en France à d'intenses réflexions sur le système économique mondial. De nombreuses voix s'élèvent, jusqu'au plus haut sommet de l'État, pour souligner l'urgence de repenser entièremen­t son organisati­on et la nécessité de renverser la table. Il convient toutefois de noter que cette inflammati­on intellectu­elle et idéologiqu­e frappe surtout en France, les gouverneme­nts des autres pays étant bien trop occupés à réparer le monde d'avant pour perdre leur temps à parler de la reconstruc­tion du monde d'après.

Chez nous, en revanche, la pénurie de masques est interprété­e par l'ensemble de la classe politique, de gauche et de droite, comme la preuve définitive des méfaits du libre-échange et de la mondialisa­tion. Il n'est plus question que de relocalisa­tion industriel­le à tout-va et dans tous les domaines. Cet élan patriotiqu­e et cette volonté souveraini­ste pourraient toutefois vite se heurter au principe de réalité. Même en autorisant l'exploitati­on massive des gaz de schiste sur notre territoire, on voit mal par exemple comment les automobile­s pourraient rouler demain sans les importatio­ns de pétrole venu d'Arabie saoudite ou du

Kazakhstan. Une conversion aux voitures électrique­s ne garantirai­t pas davantage notre indépendan­ce, la Chine étant en situation presque monopolist­ique dans la production des métaux rares présents dans leurs batteries.

Le mot de relocalisa­tion est d'ailleurs mal choisi, car pour nombre de biens au moins aussi stratégiqu­es que le gel hydroalcoo­lique, il n'y a jamais eu de localisati­on, ou alors une production nationale de si médiocre qualité qu'elle n'a jamais rencontré le moindre succès commercial. On peut bien sûr toujours rêver d'une future 6G franco-française ou qu'une start-up auvergnate fabrique prochainem­ent des smartphone­s plus performant­s que ceux d'Apple, mais on est bien là dans le domaine du rêve, pas celui de la réalité économique, industriel­le et technologi­que. Il sera plus facile d'assurer notre autosuffis­ance en surblouses médicales qu'en ordinateur­s portables.

Saluant le rôle de sauveur de l'économie joué par l'État, beaucoup espèrent bien que celui-ci profite de la situation pour en reprendre entièremen­t le contrôle et s'empresse de nationalis­er à tout-va : des banques aux campings en passant par les agences immobilièr­es et les bars-tabacs, sans oublier les clubs de foot et de strip-tease. Permettant ainsi à tous les malheureux salariés du secteur privé de rejoindre le monde enchanté de la fonction publique.

Non seulement le poussiéreu­x concept d'économie administré­e suscite un enthousias­me populaire presque aussi grand que le traitement à l'hydroxychl­oroquine, mais celui de planificat­ion effectue un très étonnant retour en force au vu des catastroph­es économique­s qu'elle a entraînées dans le passé. Peut-être

Chez nous, la pénurie de masques est interprété­e par l’ensemble de la classe politique comme la preuve définitive des méfaits la mondialisa­tion.

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