Flaubert, raies et homards
Récit. Rien ne va plus pour Flaubert. Il a 53 ans, l’allure d’un vieux boucher, cale sur son manuscrit, Bouvard et Pécuchet, et a de gros soucis d’argent. Il est aussi saisi par le dégoût du monde et l’envie de se débarrasser de cette maîtresse tyrannique qu’est l’écriture pour se mettre à la… peinture. Courage, fuyons ! Direction Concarneau, où il entend humer le grand large, prendre des bains et converser avec un ami, Pouchet, savant anatomiste qui dissèque raies et homards. Flaubert découvre les joies d’une petite vie abrutissante : sommeil, crustacés et pensées de plage… Mais il ne semble pas doué pour le simple fait d’exister. Soudain, dans ce marasme côtier, surgit l’idée d’un conte. Un conte médiéval envisagé vingt ans plus tôt : la légende de saint Julien l’Hospitalier. Et Gustave de se mettre à ruminer le texte, puis chaque phrase, dans la chambrette de l’auberge Servent. Alexandre Postel reconstitue très finement ce pré-coïtum animal triste du créateur, sas automnal, vache maigre de l’avanttexte, où le trivial cohabite avec les énigmes de la fulgurance littéraire. Ayant digéré tout ce qu’il y avait à savoir de Flaubert en 1875, il réalise la prouesse (récompensée par le prix Cazes-Brasserie Lipp) d’un ouvrage sur le «presque rien», en harmonie avec l’écrivain qui voulait écrire un livre sur le rien FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN
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Un automne de Flaubert, d’Alexandre Postel (Gallimard, 144 p., 15 €).